En tant qu’orateur talentueux, Eugène essaya, tout au long de sa vie, de partager son savoir-faire avec ses Oblats de façon à améliorer leur présentation et à produire ainsi un plus grand bénéfice. Plus la prédication des Oblats était bonne, plus seraient efficaces les résultats de leur ministère. Il y a plusieurs exemples de cela dans ses écrits, comme l’illustre bien la remontrance suivante adressée à Honorat :
L’homme qui m’a apporté ta lettre me dit que quand tu es en chaire, tu te mets au désespoir, c’est le mot; mais pourquoi pousser de pareils cris? Si c’est un défaut naturel qui t’oblige à ne pas cesser de crier…, je n’ai rien à dire et je dois me contenter d’en gémir, mais si tu peux faire autrement et que tu cries, croyant obtenir de meilleurs résultats, tu es grandement dans l’erreur et bien coupable, car tu manques ton but et tu te mets hors de service; dès lors, il y a désordre. Mets-toi bien dans l’esprit que l’on perd la moitié de ce que tu dis quand tu cries de la sorte, ce qui est très fâcheux dans une instruction que tout le monde doit retenir. Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire, au contraire, on ne doit se livrer à quelques exclamations que rarement. C’est le moyen qu’elles fassent de l’effet.
Lettre à Jean-Baptiste Honorat, le 24 janvier 1824, E.O. VI n. 126
Les prédicateurs n’avaient qu’un temps limité à consacrer à leur auditoire, et en conséquence ils devaient employer ce temps à son meilleur.
Plusieurs d’entre nous ont entendu de ces prédications tonitruantes accompagnées de geste théâtraux qui, sur le coup, laissaient bouche bée. Généralement bâties sur le registre du Dies irae, leur effet premier était de rappeler aux pécheurs invétérés l’éternité terrible qu’ils allaient devoir affronter.
La lettre d’Eugène de Mazenod au P. Honorat ne me permet pas de juger dans quel sens allaient les propos de ce dernier. Quoiqu’il en soit, leur forme n’a pas l’heur de plaire au fondateur et nous donne par là même une indication précise de la façon dont lui-même annonçait Jésus Christ.
« Tu cries, écrit Eugène, croyant obtenir de meilleurs résultats, tu es grandement dans l’erreur et bien coupable, car tu manques ton but et tu te mets hors de service ».
Ces mots font penser à l’apôtre Pierre quand il dit : « Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent compte de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. » (P.1,3)
Une attitude qu’il nous faut vivre encore et encore qui saura, mieux que tout éclat, dire l’incommensurable amour du Christ Sauveur.