Marius Suzanne décrit la prédication d’Eugène le Vendredi Saint de 1820, durant la mission d’Aix. Lui qui, alors qu’il était jeune homme, avait été captivé par le Sauveur Jésus en ce jour du Vendredi Saint, plus de vingt ans auparavant, se montra vraiment un coopérateur de ce même Sauveur. Il avait imité les exemples et les vertus de Jésus son Sauveur, et il était donc en mesure d’en parler à partir de sa propre expérience :
Mais si l’impression qu’il nous fit dans cet éloquent discours fut vive et profonde , il nous toucha bien plus sensiblement encore, dans l’instruction qu’il nous donna le jour du Vendredi-Saint. Il suivit le Seigneur dans les circonstances les plus importantes de sa douloureuse passion. Il nous parla avec tant d’onction, de l’amour immense de Jésus-Christ pour tous les hommes, et pour chacun de nous en particulier; il lui attribuait des prières si touchantes , des sentimens si vifs et si ardens pour notre salut; il priait lui-même avec tant de ferveur, que nous étions ravis d’admiration, et pénétrés de la plus vive reconnaissance; et quand il nous représenta ce divin Sauveur accablé:sous le poids humiliant de tous les crimes des hommes, de ces pensées, de ces désirs , de ces actions , nous disait-il en élevant la voix que vous ne vous êtes jamais reprochés; quand sur-tout il le fit expirer en demandant pardon pour nous, et faisant des vœux pour que son Sang ne nous fut pas inutile, alors nous crûmes découvrir tous lest secrets de l’âme sainte du Seigneur Jésus, et seulement alors nous commençâmes à le connaître et à l’aimer.
M. SUZANNE, Quelques lettres sur la mission d’Aix, p. 11-12.
Chez le Fondateur, le temps n’a pu émousser l’émotion du Vendredi Saint 1807. Dès lors, son existence sera une longue réponse à cette « secousse étrangère » au cours de laquelle il a pris toute la mesure de l’incroyable Histoire de Salut offerte par Jésus Christ. Une prise de conscience qui va bouleverser de fond en comble une vie désormais consacrée à « le faire connaître et aimer».
Ce jour-là, Eugène a saisi « l’amour immense de Jésus-Christ pour tous les hommes, et pour chacun de nous en particulier ». Il a compris qu’à cet amour, les pauvres et les petits ont aussi droit.
Et ce sera la difficile décision de réunir des prêtres au cœur ardent qui vont se consacrer aux missions des campagnes. Les difficultés qui surgissent immanquablement pour ceux-là qui ont l’audace des gestes nouveaux
n’entameront pas la persévérance d’Eugène de Mazenod.
C’est pourquoi, toute sa vie, il pourra parler, avec fougue et authenticité de l’expérience spirituelle qui a façonné toute sa vie.