Vingt-huit ans après son ordination sacerdotale, Eugène se penche sur cet événement et sur l’esprit avec lequel il commença à vivre sa vocation sacerdotale. Il le lit toujours à la lumière de son expérience de conversion, quand il avait pris conscience de l’amour de Dieu pour lui. Dès lors, sa principale occupation fut « de l’aimer » et sa « tâche principale de le faire aimer. »
Mes premiers pas dans la carrière que le bon Dieu m’avait fait la grâce, dès mon bas âge, de m’inspirer d’embrasser furent dirigés par ce sentiment prédominant dans mon âme. Je refusai au vénérable pontife qui me consacra prêtre Mgr Jean François de Demandolx, le 21 décembre 1811] de demeurer avec lui en qualité de son grand vicaire et de son ami, ce sont les expressions dont il se servait lorsqu’il daigna me faire cette proposition.
Le saint jour de Noël 1811, jour mémorable pour moi, puisque c’est celui où il me fut donné d’offrir pour la première fois le saint sacrifice de nos autels, je refusai d’acquiescer à une marque si touchante de sa bonté pour n’être pas détourné de la vocation qui m’appelait à me dévouer au service et au bonheur de mon prochain que j’aimais de l’amour de Jésus-Christ pour les hommes.
Journal du 31 mars 1839, E.O. XX
En 1811, Eugène refuse de devenir le grand vicaire de Mg Jean-François Demandolx, « pour n’être pas détourné de la vocation qui m’appelait à me dévouer au service et au bonheur de mon prochain » écrit-il.
Et pourtant, en 1823, alors que le diocèse de Marseille vient d’être rétabli, il accepte la charge de Vicaire général avant d’en être nommé Évêque… Qu’est-ce qui a bien pu motiver un tel revirement depuis son refus de 1811 ?
Tout à l’heure, j’entendais une réflexion de Jean-Claude Gilbert, o.m.i., capitulant du 35ième chapitre. « Nous regardons les situations telles qu’elles sont » disait-il. Et il enchaînait avec cette question : « Est-ce que j‘ai une souplesse face à l’ensemble des possibles comme travail missionnaire ? »
Tout permet de croire que saint Eugène toujours si attentif aux signes des temps a su apporter cette souplesse dans sa mission envers ceux-là qu’il aimait « de l’amour de Jésus-Christ pour les hommes ».