Eugène termina les Exercices Ignaciens à temps pour Noël – saison liturgique qu’il semble, d’après son journal, célébrer en priorité avec les membres de la congrégation des jeunes. En effet celle-ci se développait, et ce ministère de la jeunesse était ce qui accaparait l’essentiel de son temps et de son énergie. Leur nombre augmentant, il se décida à former un nouveau groupe au sein de la Congrégation pour les jeunes de plus de 18 ans. Beaucoup étaient étudiants à l’université et certains logeaient même à la maison des missionnaires d’Aix.
Le nombre des congréganistes (postulants) s’étant augmenté considérablement, parmi ceux qui se sont présentés il s’en trouve plusieurs d’un âge mûr. M. le Directeur a jugé à propos d’en former une section à part qui outre les réunions générales pour toute la Congrégation sera appelée à une réunion particulière tous les premiers et quinze du mois. Voici les articles de cette addition faite au règlement: Les congréganistes qui auront atteint l’âge de dix-huit ans formeront une section particulière appelée première section. Outre les réunions générales et les exercices quelconques de la Congrégation auxquels ils auront le droit d’assister comme tous les autres, ils auront une réunion particulière tous les premiers et quinze du mois où personne autre que ceux de leur âge et au-dessus pourront assister…
Ces réunions auront un double but. Elles serviront à rapprocher les membres qui doivent les composer, à leur faciliter les moyens de se mieux connaître et de se lier entre eux par une sainte amitié, en second lieu elles seront utiles même sous le rapport de la piété puisqu’elles commenceront toujours par un court entretien que M. le Directeur fera sur quelque matière de religion. Si, à raison de l’absence de M. le Directeur ou pour quelque autre motif, l’entretien n’avait pas lieu on y suppléerait par une demi-heure de lecture dans quelque livre de piété.
Journal de la Congrégation de la Jeunesse, le 20 février 1815, E.O. XVI
C’est un homme affaibli par la maladie et un prêtre surmené par un dévouement sans borne qui a entrepris le bilan de sa vie en cette année 1814.
« Quel besoin n’avais-je pas de cette retraite? » constate d’abord Eugène. En réalité, ce besoin est tellement évident qu’il va occuper une part importante de la révision de vie selon la méthode de saint Ignace qu’il s’apprête à faire. Cette période, écrit-il « sera particulièrement dirigée à réparer le détriment [causé à son âme par un apostolat inconsidéré] et à prendre des mesures sages pour éviter cet abus à l’avenir. »
Une résolution qui porte des fruits puisque, dès sa sortie de retraite, Eugène introduit des changements aussi logiques que salutaires dans la Congrégation de la Jeunesse en développement constant.
Logique en effet de constituer une « section à part » pour « les postulants d’âge mûr ». Tout enseignant peut dire combien il est plus facile de s’adresser à une classe homogène que d’avoir à dispenser explications et attentions à des auditeurs d’âges différents. La discipline en devient plus facile à vivre, donc à maintenir, augmentant ainsi l’efficacité de l’enseignement..
Eugène y voit aussi, et j’oserais dire surtout, un bon moyen de « rapprocher les membres qui doivent composer [la nouvelle section, en leur fournissant] « les moyens de se mieux connaître et de se lier entre eux par une sainte amitié. »
Le Directeur de la Congrégation de la Jeunesse a compris l’épanouissement, aussi bien psychologique que spirituel, que procurent des amitiés dignes de ce nom.
Une réalité admirablement exprimée par Thomas Merton lorsqu’il écrit : ‘’Nul n’est une île ».