Une des difficultés dans l’établissement de missions par des religieux et prêtres francais venait du fait que les gens du Royaume de Sardaigne étaient méfiants envers des étrangers qui amèneraient avec eux des idées “révolutionnaires”.
Voudrait-on opposer que nous sommes étrangers? Mais les membres d’une Congrégation reconnue par l’Eglise, ayant un chef nommé par le Pape, sont catholiques avant tout.
Leur vie est consacrée, selon l’esprit de leur vocation, au service des âmes sans acception de personne ni de nation, leur ministère est tout spirituel, ils appartiennent au pays qui les adopte, et y vivent sous l’ombre tutélaire des lois en fidèles sujets, uniquement occupés de l’objet de leur céleste mission qui tend à faire accomplir tous les devoirs, soit envers Dieu, soit envers le Prince, son représentant parmi les hommes.
Eugène renforce son propos en rappelant que les apôtres eux-mêmes étaient des étrangers, comme le furent toutes les missions étrangères à travers le monde.
Les Apôtres étaient étrangers dans les pays que N.S. Jésus-Christ les chargea d’évangéliser. Les religieux qui ont jeté les premiers fondements de leurs Ordres dans les diverses parties de la chrétienté étaient étrangers aussi et n’ont pas été repoussés pour cela, Personne n’applaudira plus que moi aux sages mesures qui aboutiront à préserver un état de la contagion des mauvaises doctrines et de l’influence des hommes pervers qui troublent ailleurs la société et en bouleversent les fondements, mais serait-il raisonnable de supposer que l’on redoute également ce qui est bon, ce qui est éprouvé, ce qui ne peut être qu’utile et avantageux?
Lettre à Fr. A Grassi SJ, 11 décembre 1830, EO XIII, n 76.
En fait, ce fut cette suspicion qui l’emporta et les Oblats ne furent pas conviés dans le Royaume.
11 décembre 1930 – Lettre à Mgr Grassi.
Comme il en est des multiples visages de la pauvreté, les préjugés sont de toutes les époques et dans tous les domaines. Plusieurs d’entre nous ont d’ailleurs été témoin de rivalités entre des associations religieuses qui auraient eu tout avantage d’unir leurs efforts au service de l’évangile.
Lors de sa demande d’installer une Maison en Sardaigne, Eugène de Mazenod va se heurter à la suspicion de Mgr Grassi et consorts au sujet des idées
« révolutionnaires » qu’une Congrégation « étrangère »pourrait véhiculer. Il répond par le fait que toute association reconnue par le Pape est avant tout catholique et que ses membres doivent être « uniquement occupés de l’objet de leur céleste mission… » Jésus lui-même n’a-t-il pas envoyé ses disciples dans « le monde entier » !
Aujourd’hui encore, des efforts pour mieux se connaître ont fait place à la ségrégation. Je garde souvenir de quelques difficultés pour ma famille fraîchement arrivée d’Europe en 1963 en rien comparable d’ailleurs à ce qui se vit aujourd’hui un peu partout dans le monde. Pensons à ces personnes « déplacées, aux émigrants de toutes sortes et aux chasses gardées dans bien des domaines. Pensons aussi à éviter les jugements hâtifs qui peuvent faire tant de tort…
« Vous n’êtes plus des étrangers… » écrivait Paul aux Éphésiens. Une affirmation à retenir et à intégrer dans le monde cosmopolite de 2017.