Rey continue de raconter la réaction d’Eugène face à la mort. Son don de soi, total et serein, inspira à ceux qui l’entouraient le désir de renouveler leur propre « oui » à Dieu dans l’oblation.
« Il voulut recevoir l’Extrême-Onction avant le Saint-Viatique, disant que cette pratique était plus conforme à l’esprit de l’Eglise. Et lorsque la sainte hostie lui fut présentée: « Laissez-moi, dit-il d’une voix entrecoupée par les sanglots, laissez-moi contempler mon Maître, mon Sauveur… Oui, vous êtes mon Dieu, je vous aime, je vous adore! C’est une espèce de profanation que l’on vous ait introduit dans cette triste demeure! Comment n’avez-vous pas eu horreur de venir me visiter? « Après la communion, il fit sa profession de foi, renouvela ses vœux, lisant lui-même la formule des saints engagements. Lorsqu’il eut terminé, le P. Tempier ayant déposé le ciboire sur la crédence, s’approcha du lit et à genoux renouvela ses vœux entre les mains du vénéré malade, les baisant ensuite avec amour; il fut imité par les Pères et les Frères convers qui avaient assisté à la cérémonie. » Rey I p. 471
Une invitation à méditer sur ceux qui nous ont inspirés par leur foi sereine face à une grave maladie ou à la mort. Quelle merveille si nous sommes capables d’apprendre et d’imiter chaque acte d’oblation dont nous sommes témoins dans la vie.
Ce qui compte dans la vie, ce n’est pas seulement d’avoir vécu. C’est la différence faite dans la vie des autres qui définit le sens de la vie que nous avons menée. — Nelson Mandela
1829 – Les fils d’Eugène se souviendront longtemps des moments qu’ils pensaient bien être les derniers de leur fondateur. Comment ne pas garder en mémoire son souci de demeurer « conforme à l’esprit de l’Église » ? Comment ne pas être touché par ses sanglots au moment de recevoir l’hostie et sa reconnaissance envers « le Maître, le Sauveur » qui avait changé ses errances en don total ? Et cette oblation renouvelée qui en entraînera d’autres à sa suite ?
En cette année 1829, douleur et joie se sont retrouvées au chevet d’Eugène. Et le souvenir va en demeurer. Tout comme en mon cœur, celui de deux femmes que j’ai aimées par-dessus tout.
En 1950, décédait mon arrière-grand-mère, la tendresse incarnée. « Mame » me racontait son enfance dans une famille nombreuse et pauvre, sa vie de jeune veuve avec deux enfants … Elle racontait le dévouement du fils qui lui avait consacré sa vie… Nous étions tous présents aux derniers instants de « Mame ». Dans un effort, elle a ouvert les yeux et m’a adressé ces mots: – « Prends bien soin de Charles » Ce fut tout. Souvenir impérissable de cette femme dont l’ultime souci fut pour son fils. Souhait qu’il me fut facile de tenir, le grand-oncle Charles ayant toujours été pour moi l’ami, le père et le confident des moments difficiles.
En 1953, ma grand-mère, malade depuis de longues années, nous quittait à son tour. Entourée de tous comme l’avait été sa propre mère quelques années plus tôt. J’entendrai toute ma vie l’Ave Maria murmuré avec le filet de voix qui lui restait. Je verrai toujours le chapelet enroulé autour de sa main. Ma grand-mère et sa grande et fidèle dévotion à Marie !
Pour moi, des souvenirs aussi vivants qu’au premier jour… le bonheur d’avoir connu ces deux femmes à la foi et à la reconnaissance jamais démenties… Et ma fierté d’être parmi leurs descendants…