JE SOUPIRE QUELQUEFOIS APRÈS LA SOLITUDE

1814 n’a pas seulement été une année de changement politique en France, mais aussi l’année au cours de laquelle Eugène a été sur le point de mourir. Sa grave maladie l’a laissé affaibli, et dans cette lettre il montre quelque chose de son combat pour continuer avec énergie et zèle. Il commence à reconsidérer l’expression et l’orientation de sa vocation. Il rêve de la paix d’une existence contemplative dans un monastère, mais en réalité, il ne peut abandonner les besoins de ceux auprès de qui il travaille. On sent une lassitude dans ses paroles :

 [J’ai peu] de goût à ce métier; je ne sais pas s’il ne me fera pas changer de vocation. Je soupire quelquefois après la solitude; et les Ordres religieux qui se bornent à la sanctification des individus qui suivent leur Règle sans s’occuper autrement que par la prière de celle des autres, commencent à m’offrir quelques attraits. Je ne répugnerais pas à passer ainsi le reste de mes jours; et certes, c’est être un peu différent de ce que j’étais. Qui sait! Peut-être je finirai par-là!
Quand je n’aurai pas sous les yeux les besoins extrêmes de mes pauvres pécheurs, j’aurai moins de peine à ne les pas secourir. Il se peut bien d’ailleurs que je me persuade de leur être plus utile que je ne le suis en effet. En attendant, pourtant, mon temps et mes soins sont pour eux.

Lettre à Forbin-Janson, le12 septembre 1814, E.O. XV n 128

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1 réponse à JE SOUPIRE QUELQUEFOIS APRÈS LA SOLITUDE

  1. Denyse Mostert dit :

    Ce n’est pas une conversion instantanée et miraculeuse qui transforme Eugène de Mazenod le Vendredi Saint 1807 ! Mais c’est bien là qu’il prend une conscience très vive « de l’amour et de la bonté du Christ » mort pour nous et pour nos péchés ; là qu’il décide de » s’amender par le don total de sa vie ». « Un deuxième moment de grâce » qu’il décrit comme « une secousse étrangère » va ensuite l’orienter vers la prêtrise.

    En 1814, la tourmente s’apaise enfin. La situation politique de la France s’est assainie, la religion reprend ses droits et la santé d’Eugène se rétablit. Le travail surhumain accompli pendant toutes ces années de troubles a-t-il fini par vaincre la résistance du missionnaire au cœur ardent ? Quoi qu’il en soit, il confie à son ami Forbin-Janson les doutes qui l’assaillent et le « peu de goût » qu’il ressent actuellement pour ce qu’il nomme son « métier ». Tous ces éléments sont-ils propres à « le faire changer de vocation » ? L’attrait du cloître avec sa tranquillité va-t-il l’emporter ?

    Décision lourde de sens s’il en est ! Tout attiré qu’il soit par la vie monastique, Eugène ne peut s’empêcher de penser au sort de ses « pauvres pécheurs » s’il décidait d’entrer dans un Ordre où les « religieux… se bornent à la sanctification des individus qui suivent leur Règle sans s’occuper autrement que par la prière de celle des autres.. ». Lorsqu’il écrit : « Quand je n’aurai pas sous les yeux les besoins extrêmes de mes pauvres pécheurs, j’aurai moins de peine à ne les pas secourir », et aussi : « Il se peut bien d’ailleurs que je me persuade de leur être plus utile que je ne le suis en effet » croit-il réellement que cela puisse se produire ? Ou se peut-il que ce soit là une forme de justification inconsciente pour changer d’orientation ? Cruel dilemme que celui-là !

    Une situation qui peut bien devenir la nôtre un jour de lassitude ! Les mêmes interrogations peuvent nous assaillir. Avons-nous emprunté le bon chemin ? La croix est-elle trop lourde pour nos faibles forces ? Sommes-nous attirés par une perspective qui semble mieux nous convenir mais dont nous ne connaissons pas vraiment toutes les implications? Cherchons-nous à minimiser l’impact que pourraient avoir nos décisions sur les autres dans le but, confus peut-être mais toutefois bien réel, de nous déculpabiliser quelque peu?

    Je pense qu’un questionnement sincère peut nous amener à un véritable discernement. Qui ne pourrait mieux se faire jour qu’accompagné par quelqu’un en qui nous avons assez confiance pour lui confier ce qui nous habite.

    Nous pourrons alors nous engager dans une voie confirmée par la prière et la réflexion. Une voie où nous engager fermement, assurés de l’amour d’un Dieu toujours-avec-nous.

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