UN ÉCLAT DE TEMPÉRAMENTS PROVENÇAUX

Ayant survécu à la saga de la confirmation, Eugène dut faire face à une autre concernant la première communion de quelques-uns des congréganistes, quelques mois plus tard. Comme toujours, il écrivit aux curés pour leur demander la permission de procéder à la première communion des jeunes de leurs paroisses. Auparavant, chaque curé avait répondu individuellement pour donner son consentement. Cette fois-ci, par ailleurs, le climat avait changé et Eugène reçut une réponse collective qui n’était que condescendante et lui donnait une leçon mordante sur les droits des prêtres de paroisse.

 

Leflon décrit ainsi la réaction d’Eugène :

Mais pour valables qu’elles fussent, les raisons qui motivèrent sa réplique auraient certainement gagné à s’exprimer en termes moins vifs. Dans l’indignation du premier mouvement, sa fougue provençale oublia que le manque de retenue et de forme compromet toujours les meilleures causes :
« Messieurs, j’ai été obligé de relire deux fois les signatures de la lettre que vous m’avez écrite pour me persuader que les curés et recteurs de la ville d’Aix fussent capables de répondre aussi mal à une politesse que j’ai bien voulu leur faire.
« Vous auriez dû réfléchir, Messieurs, que dans les lettres honnêtes et pleines d’égard que je vous ai écrites, je ne vous demandais pas une grâce qui me fût personnelle et que rien ne me forçait à me soumettre à une demande à laquelle je pouvais être absolument étranger ; qu’il était donc souverainement ridicule de vous arroger le droit de me faire, à cette occasion, une leçon aussi peu mesurée dans les termes que déplacée pour le fond, tandis qu’il eût été plus convenable que vous me remerciassiez des soins que je veux prendre d’une portion précieuse de votre troupeau, que votre houlette ne pouvait plus atteindre et qui par mes soins est rentrée au bercail et s’y maintient avec le secours de la grâce.
« C’était à vous à vous décider si vous vouliez ou non accorder la permission que je vous demandais au nom des
enfants que j’instruis. Il n’en fallait pas davantage. Tout ce que vous ajoutez ne peut être regardé que comme une personnalité injurieuse qu’il vous convenait aussi peu de vous permettre qu’à moi de la souffrir, sans vous en témoigner toute mon indignation.

Lettre aux révérends curés et recteurs d’Aix, 4 juillet 1817, Leflon II p.63-64.

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Une réponse à UN ÉCLAT DE TEMPÉRAMENTS PROVENÇAUX

  1. Denyse Mostert dit :

    Pour ou contre l’éclat d’Eugène de Mazenod dans sa « Lettre aux révérends curés et recteurs d’Aix du 4 juillet 1817 » ? Tout en admettant la justesse des raisons du Fondateur, le biographe Jean Leflon indique sa préférence pour une réponse diplomatique.

    Revoyons la situation : « Comme toujours, [Eugène] écrivit aux curés pour leur demander la permission de procéder à la première communion des jeunes de leurs paroisses. Auparavant, chaque curé avait répondu individuellement pour donner son consentement. Cette fois-ci, par ailleurs, le climat avait changé et Eugène reçut une réponse collective qui n’était que condescendante et lui donnait une leçon mordante sur les droits des prêtres de paroisse. »

    Deux qualificatifs me viennent en tête pour décrire la teneur de la lettre collective aux termes assez forts pour s’attirer la réplique coupante du Fondateur. Inconcevable et immature. Inconcevable venant de prêtres dont le premier soin doit être d’annoncer l’Évangile et sa charité ! Immature le fait de se sentir obligés de camoufler dans « une leçon aussi peu mesurée dans les termes que déplacée pour le fond » la véritable raison d’un changement de cap.

    Bien entendu, ma réflexion peut être qualifiée de partisane. Bien entendu aussi, mon caractère assez vif m’a déjà attiré quelques inimitiés au cours de ma vie. Mais, de certaines de ces frictions, sont aussi sorties des clarifications qui ont fait se dénouer plusieurs situations qui paraissaient inextricables.

    Comment aurait réagi Jésus à la place d’Eugène ? Nous connaissons tous l’épisode où il pique une bonne colère et chasse les marchands du temple (Jean 2 : 15-16) Rappelons-nous le Sauveur devant les faux témoins à la Cour de Caïphe. « Jésus garda le silence », nous dit simplement Matthieu. (26.63) Et à travers tout l’Évangile, on apprend aussi qu’il ne se dérobe pas aux questions essentielles…

    Une piste que ces réactions diversifiées du Sauveur dictées en tout premier par le souci du Royaume. Sachant bien que nous n’avons pas toujours le réflexe convenable au moment nécessaire. Et que notre tempérament personnel finit le plus souvent par entrer en ligne de compte.

    Au fond, ce qui compte, n’est-ce pas d’éviter une accumulation de griefs non exprimés qui peuvent se transformer en rancœur tenace et destructive ?

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