Grâce au contact personnel, les gens étaient invités à la rencontre avec le Sauveur. Dans cet esprit de proximité, les missionnaires visitaient les gens des plus petits villages dans leurs maisons, lors des premiers jours, pour établir un contact avec eux et pour déterminer s’il y avait des problèmes pastoraux à traiter.
Cette visite générale sera faite les jours suivants ; elle sera faite indistinctement à tous les habitants du bourg, et les missionnaires s’y comporteront avec une grande modestie, avec beaucoup de douceur, d’affabilité et de prévenances.
Avant de l’entreprendre, on ira devant le très saint Sacrement pour recommander à Notre Seigneur Jésus-Christ cette action importante, qui peut influer beaucoup pour le succès de la mission.
Règle de 1818, Chapitre deuxième §2
Pendant la mission de Marignane, Eugène écrit:
Après le déjeuner, les missionnaires ont recommencé les visites jusqu’à midi.
Ces visites ne sont pas très amusantes, mais elles sont très importantes, parce qu’elles rapprochent les missionnaires du peuple qu’ils viennent évangéliser. Ils se montrent à lui dans toute l’affabilité d’une charité qui se fait toute à tous, ils gagnent ainsi le cœur des plus indifférents; ils sont à même d’encourager, de presser, de combattre certaines résistances, et, chemin faisant, il leur arrive de découvrir et de se mettre sur la voie de remédier à des désordres qui souvent avaient échappé à la sollicitude d’un pasteur même zélé.
Journal de la mission à Marignane, le 18 novembre 1816, E.O. XVI
Après avoir cheminé ensemble, les disciples d’Emmaüs vont demander à l’inconnu : « Reste avec nous, car le soir approche… Il entra pour demeurer avec eux ». (Luc 24) C’est dans la simplicité et la chaleur d’un repas partagé que Jésus se fera reconnaître.
Eugène de Mazenod a saisi toute l’importance d’un contact personnel des Missionnaires avec les gens des campagnes de Provence. « Ces visites ne sont pas très amusantes, écrit-il, mais elles sont très importantes, parce qu’elles rapprochent les missionnaires du peuple qu’ils viennent évangéliser. »
Ceci me rappelle la relation en apparence bien ordinaire de mes parents avec l’Abbé Thomas, jeune prêtre qui aimait connaître ses paroissiens.
De nos jours, on entend beaucoup parler de la détresse de tous ces soldats lourdement marqués par leur expérience sur les champs de bataille. Lors de la 2ième guerre mondiale, et comme tant d’hommes de sa génération, mon père a été envoyé au front. Il en est revenu avec une hargne qu’on aurait dite dirigée contre l’univers entier, en particulier vers Dieu qui « permettait de telles atrocités » et vers tous ceux qui, de près ou de loin le représentaient.
Si étrange que cela puisse paraître, seul le curé du village trouvait grâce à ses yeux. Lors de mes visites, j’entendais parler de l’Abbé Thomas qui « disait bonjour à tout le monde même à ceux qui n’allaient pas à l’église », l’Abbé Thomas qui « félicitait papa » pour la rectitude d’une haie bien taillée, « prenait le temps d’admirer les photos des petits-enfants, acceptait sans hésiter » la tasse de café proposée par maman et à l’occasion le « petit remontant » que lui offrait papa ».
Au village, tous étaient unanimes à parler de la chaleur humaine dégagée par ce prêtre, de la confiance qu’il savait faire naître même chez ceux qui se disaient « irréductibles » à toute question de culte.
L’influence de l’Abbé Thomas sur papa n’est pas quantifiable. Ce que j’en ai perçu c’est d’abord son affection envers celui qu’il appelait « un curé pas comme les autres ».
Puis il y avait les lumières dont mon père illuminait pour Noël, la petite chapelle construite par mon grand-père au fond du jardin. Il y a eu cet été où il a entrepris de remettre à neuf les stations du Chemin de Croix à flanc de montagne ; et son souci constant par la suite de les garder en bon état. Il me reste aussi le souvenir de la radio ouverte chaque semaine pour la retransmission d’une messe dominicale. Tout en prenant bien soin de clamer qu’il « n’y comprenait rien », papa était toujours fidèle au rendez-vous. À ce moment-là, nous savions, maman et moi qu’il ne fallait pas le déranger. Papa est décédé un 19 mars, un réconfort pour ma mère avec sa confiance en saint Joseph « patron de la bonne mort ».
Petite histoire bien simple pour être évoquée en même temps que la grande révélation aux disciples d’Emmaüs et l’héroïque apostolat des Fils d’Eugène de Mazenod !
Simple mais absolument significative pour moi parce qu’elle me redit le commandement nouveau de nous aimer les uns les autres et combien l’amour se tisse à travers les petites choses de la vie.