Dans la correspondance ultérieure entre Eugène et Tempier, on peut voir la croissance entre eux « d’un seul cœur, et d’une seule âme », ainsi que leur désir d’être des hommes apostoliques avec une forte vie intérieure, de telle manière qu’ils soient les plus efficaces des missionnaires.
Humiliez-vous tant qu’il vous plaira, mais sachez néanmoins que vous êtes nécessaire pour l’œuvre des missions; je vous parle devant Dieu et à cœur ouvert.
S’il ne s’agissait que d’aller prêcher tant bien que mal la parole de Dieu, mêlée à beaucoup d’alliage de l’homme, parcourir les campagnes dans le dessein, si vous voulez, de gagner des âmes à Dieu, sans se mettre beaucoup en peine d’être soi-même des hommes intérieurs, des hommes vraiment apostoliques, je crois qu’il ne serait pas difficile de vous remplacer; mais pouvez-vous croire que je veuille de cette marchandise?
Il faut que nous soyons franchement saints nous-mêmes. Ce mot comprend tout ce que nous pourrions dire.
Lettre à Henri Tempier, le 13 décembre 1815, E.O. VI n 7
Que voici un langage d’une brusquerie bien cavalière dans ces quelques lignes ! Droit au but ! Le Fondateur ne prend pas le temps d’entortiller ses mots. C’est clair, net et cela s’adresse à des missionnaires qui auront à être les messagers solides de la Parole.
« Humiliez-vous tant qu’il vous plaira, écrit-il, mais sachez néanmoins que vous êtes nécessaire pour l’œuvre des missions. »
Pas question d’humilité paralysante pour celui qui s’apprête à le suivre. Pas non plus de sentiment de supériorité pour avoir été choisi, appelé, mais l’assurance d’être non seulement attendu, mais « nécessaire ».
Les prêtres qui vont suivre Eugène de Mazenod n’auront rien du fonctionnaire accomplissant un travail routinier. . « S’il ne s’agissait que d’aller prêcher tant bien que mal la parole de Dieu, mêlée à beaucoup d’alliage de l’homme… il ne serait pas difficile de vous remplacer » écrit-il au P. Tempier. Ce sont « des missionnaires « franchement saints » qu’il désire pour sa Société et pour tous ceux qui vont par la suite désirer vivre son charisme.
La sainteté ! Que d’encre elle a fait couler ! Que de remous elle a soulevé dans bien des âmes ! Parce qu’elle apparaissait comme l’impossible parce que totale victoire à remporter sur nos faiblesses. Dans le cas contraire, la culpabilité prenait toute la place.
La sainteté ? Lors de la rencontre de janvier, les d’Associés de la Province Notre-Dame-du-Cap , recevaient un texte comme sorti des mains de Dieu lui-même pour répondre à cette question. En voici quelques extraits.
« Tu veux devenir un saint, une sainte ! Bravo ! Mais j’ai bien peur que tu t’y prennes mal. J’ai le goût de te dire : ne crains pas, je suis avec toi…
Souviens-toi du message de Jésus : Je suis venu pour que les aveugles voient, pour que les sourds entendent, que les boiteux marchent, que les lépreux soient guéris, que les muets crient de joie…
Quand tu te sentiras peu fier de toi, écoute-moi, regarde-moi, laisse-moi te regarder… Regarde aussi la richesse de ton cœur…ton désir de te donner pour rendre les autres heureux autour de toi…
Tu sais, la sainteté, la perfection, c’est mon affaire… Laisse-moi t’aimer… te pardonner. Aime-toi assez toi-même pour te pardonner tes erreurs. »
« Il faut que nous soyons franchement saints nous-mêmes », insiste Eugène de Mazenod. Ce petit texte ne vient-il pas nous aider à adhérer sans crainte au désir du Fondateur ?