À son retour à Aix comme jeune prêtre, Eugène vécut dans la maison de sa mère, ensemble avec le Frère Maur (moine trappiste dont la Révolution avait détruit le monastère). Quelques mois après son arrivée, il fit sa retraite annuelle. Comme il expose son programme de méditation, il décrit ce que sera le centre de sa démarche envers les personnes en tant que prêtre : amener d’autres à partager sa propre expérience d’être aimé par Dieu et d’aimer en retour. Les événements de la fin de sa vie montrèrent qu’il resta fidèle à cet idéal jusqu’à la fin.
Je considérerai Jésus mon amour dans son incarnation, sa vie cachée, sa mission, sa passion et sa mort; mais surtout dans son Sacrement et dans son Sacrifice. Ma grande occupation sera de l’aimer, mon plus grand soin de le faire aimer. J’y emploierai tous mes moyens, tout mon temps, toutes mes forces, et quand après bien des peines je n’aurais gagné que de faire faire un acte d’amour envers un si bon Maître, je me regarderai avec raison comme très largement payé.
Notes de retraite, décembre 1812, E.O. XV n. 109
« Ma grande occupation sera de l’aimer, mon plus grand soin de le faire aimer. »
C’est une déclaration d’amour en bonne et due forme que celle de ce jeune prêtre qu’on appelle Eugène. Pas un coup de foudre, pas un feu de paille, mais un amour donné une fois pour toutes.
Ces mots me posent question… Comment mettre des mots sur cet amour pour Jésus auquel je me réfère si souvent ? Le pragmatisme qui sommeille toujours quelque part en moi se refuse aux formules ampoulées. J’ai besoin de concret dans ma vie pour m’expliquer à moi-même certaines réalités qui, pour réelles qu’elles soient, ne se laissent pas saisir par a + b.
Qu’est-ce que les synoptiques entendent par « le Royaume de Dieu » ? Jésus disait : « Le Royaume de Dieu est semblable à… » Et voici que cette introduction aux paraboles vient ouvrir la porte à ma prise de conscience.
Qu’est-ce qui, pour moi, est le plus significatif de ma relation à Dieu sinon toutes ces années de vie avec Pierre, mon mari ?
Un petit recul sur le fameux « coup de foudre » qui nous a saisis alors que nous n’avions pas 20 ans. Puis les métamorphoses de cet apprivoisement émerveillé des premiers temps. À travers les aléas de nos vies, nous avons expérimenté que notre amour, à certains moments en veilleuse, demeurait toujours la belle réalité de notre couple. Le décès de Pierre m’a comme amputée de moi-même… Et puis il y a, cette foi en la Résurrection, en cette autre vie qui vient justifier toute existence.
Oui, je peux dire maintenant : « Mon amour de Dieu, c’est le Jésus des Évangiles, c’est sa Parole qui me rejoint tout à coup par surprise, c’est le sens définitif que Dieu donne à nos vies, et cette ouverture aux autres avec le grand désir qu’ils expérimentent eux aussi combien la vie vaut la peine d’être vécue.