Leflon continue à décrire l’impression qu’Eugène faisait comme prédicateur :
Tout contribuait à impressionner : sa haute taille, son grand air, le feu et la profondeur de ses yeux noirs, la chaude sonorité de sa voix, tantôt caressante et douce, tantôt éclatante comme les trompettes du jugement dernier, dont il utilisait tous les registres avec une variété reposante et des contrastes saisissants. Enfin la langue provençale, qu’il maniait supérieurement, lui prêtait toutes les ressources de ses images colorées, de ses larges périodes et de ses chantantes harmonies.
De là son empire sur les milieux les plus variés, qu’il réussissait toujours à captiver, à empoigner.
J. Leflon, Eugène de Mazenod… Volume II, p. 112 – 113
Du jeune enfant jusqu’à l’évêque aux cheveux blanc, les portraits d’Eugène sont révélateurs d’une distinction innée, d’un sérieux imperturbable et de la tranquille assurance de celui qui sait où il va et s’est résolu une fois pour toutes à réaliser son projet de vie.
Ce sérieux joint à « la haute taille » et au « grand air » d’Eugène, décrivent sans conteste l’homme à la naissance aristocratique. N’est-il pas étonnant qu’avec une telle prestance, qui aurait pu intimider fortement ceux qui venaient l’entendre, Eugène soit devenu le missionnaire qui touche « les milieux les plus variés, qu’il [réussit] toujours à captiver, à empoigner » ?
Je ne peux m’empêcher de repenser au jeune noble qui a vécu la formidable « secousse » d’un Vendredi Saint. Une révélation intérieure si forte qu’elle lui arrache d’abondantes larmes. Si impérieuse qu’elle va le conduire à l’oblation finale. Si profonde qu’Eugène va se faire « le prêtre des pauvres » afin qu’ils connaissent eux aussi leur dignité d’enfants de Dieu.
Oui, Eugène de Mazenod est marqué à jamais par Jésus Christ. Comme tous les amoureux, il parle de celui qu’il aime avec authenticité et chaleur. Son amour devient contagieux. Et ses propos donnent le goût de Jésus Christ à ceux-là qui avaient perdu toute espérance.