VEILLER AUX FUTURS OBLATS COMME À LA PRUNELLE DE SES YEUX

Pauvre Frère Mille! Il était devenu Oblat pour aller en mission – et voilà qu’à quelques semaines de son ordination, les circonstances avaient rendue inévitable sa nomination comme Supérieur en Suisse. À l’âge de 25 ans, son cœur de missionnaire ne pouvait résister à la tentation d’opérer son ministère en dehors du scolasticat, au grand déplaisir d’Eugène qui le voyait négliger ses séminaristes.

Puisque je suis sur cet article, je vous dirai un mot en passant sur vos œuvres de zèle pendant les quarante heures. Savez-vous la conclusion que j’ai tiré de votre récit? C’est que vous étiez aussi bon missionnaire que mauvais supérieur.
… Est-ce que l’on doit en conscience quitter son œuvre spéciale pour en embrasser une autre, fût-elle meilleure en apparence?

Eugène lui avait formellement interdit de s’impliquer en dehors du scolasticat, mais le Frère Mille avait des oreilles missionnaires “sélectives ”.

Que dire de cette facilité avec laquelle vous interprétez les intentions du supérieur, d’une manière formellement opposée à ses paroles précises et à son intention bien connue, puisqu’intention il y a! Oh! non, mon cher, ce n’est pas ainsi qu’il faut faire. C’est mal entendre l’obéissance que d’agir toujours en sens contraire de ses prescriptions. On fait du bruit, on s’attire des louanges des hommes, on fait même quelque bien, mais on manque à son devoir, et dès lors quelle récompense attendre des œuvres mêmes les plus éclatantes?
Je suis vraiment affligé d’être obligé de vous faire ces observations mais je tiens en main la balance du sanctuaire. Les valeurs y sont réduites à leur plus simple expression; ce qui l’emporte au poids du siècle, souvent ne pèse rien dans celle-là qui a des contrepoids d’une immense valeur. Simple missionnaire, tout ce que vous avez fait eût été admirable si l’obéissance l’avait prescrit, mais, supérieur chargé de l’élite de notre famille que vous devez soigner comme la prunelle de l’œil, vous n’avez pas bien fait.

Lettre à Jean-Baptiste Mille, le 21 avril 1832, EO VIII n 420

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1 réponse à VEILLER AUX FUTURS OBLATS COMME À LA PRUNELLE DE SES YEUX

  1. Denyse Mostert dit :

    Priorité de l’obéissance.

    Bien sûr, l’indépendance n’est pas prisée dans les CC&RR. Eugène ne peut donc approuver l’œuvre du P. Mille fut-elle bonne en elle-même. Il s’agit ici d’une intuition qu’il a suivie sans en référer au supérieur d’où la diatribe suivante : « Que dire de cette facilité avec laquelle vous interprétez les intentions du supérieur se référant ainsi d’une manière formellement opposée » au contenu des CC&RR ?

    Que prioriser dans ceci : la fermeté dans les propos du fondateur ou le zèle joyeux dans lequel s’embarque le P. Mille? Pour ce dernier l’appel doit être bien fort qui mérite d’être suivi sans en référer à ses supérieurs, d’autre part il y a chez Eugène de Mazenod une volonté de former des religieux sans reproche… Fermer les yeux sur cette incartade du P. Mille serait un manque d’obéissance aux CC&RR qu’il ne peut laisser passer sans commentaire. Eugène rend soin de laisser parler son cœur de père obligé de sermonner un enfant. Après avoir probablement entendu cette remontrance, on peut supposer que le P. Mille a réfléchi et est revenu vers l’obéissance de son état.

    Et moi ? Comment est-ce que j’accueille des remarques sur mon travail ? Mon moi ne se rebiffe-t-il pas devant des paroles n’allant pas vraiment vers ce que mon devoir m’a dicté de faire ? En surgit-il parfois l’idée de n’ entendre vraiment que ce qui fait mon affaire ?

    Effectivement il y a des remarques qui sont mal prises. À nous de réfléchir à leur impact et si notre conscience en sort satisfaite. Dans l’expectative, il faut prier pour reconnaître la volonté du Seigneur sur nous et l’exécuter sans coup férir.

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