LA MANIÈRE D’EUGÈNE DE PRENDRE UNE DÉCISION : METTRE TOUS LES ARGUMENTS DANS LA BALANCE

Le Frère Jeancard semble avoir exprimé son opinion de ne pas vouloir aller travailler en mission avec un autre frère Oblat. Eugène lui répond :

Rien de plus juste, mon cher ami, que de faire des observations, surtout lorsqu’elles s’adressent à un supérieur dont on connaît les sentiments et la manière de faire.

Eugène continue, à nous donner un aperçu sur sa manière de prendre des décisions: en écoutant tous les avis et en essayant de mettre dans la balance ce qui est bon pour la personne et ce qui est bon pour la mission de la communauté Oblate.

 Tu savais que je ne suis pas de ceux qui, étrangers à toutes les petites convenances, je dirais même aux faiblesses de leurs sujets, ne voient que la perfection de l’obéissance dans ce qu’ils ont à exiger d’eux, et ne se mettent jamais en peine d’autre chose que de ce qu’il faut qu’on fasse. J’ai toujours tâché de combiner tous les intérêts qui peuvent se combiner avec le bon ordre de la Société et le bien des âmes, ainsi, sans approuver tes répugnances, j’ai toujours eu soin de les mettre dans la balance, et si elles n’ont pas toujours emporté, elles ont pourtant toujours été pesées.

Ainsi, en tant que Père et Supérieur connaissant bien Jeancard, Eugène le corrige en analysant son attitude :

 C’est, on ne peut en disconvenir, un grand malheur qu’elles n’aient pas été mieux combattues par toi, d’autant plus qu’elles s’étendent à plusieurs individus sur le compte desquels tes préventions sont également injustes. Mais c’est là ton défaut, et précisément le mal dont tu n’es pas guéri et dont je me plains à toi-même, parce que je suis convaincu qu’elles sont plus volontaires que tu ne penses et qu’elles prennent leur source dans des sentiments qui ne sont pas à coup sûr des vertus.

Eugène, pourtant, acquiesce aux désirs de Jeancard:

 Quoiqu’il en soit, pour te contenter j’ai changé notre plan de campagne; tu ne monteras pas en Dauphiné, ce sera le père Honorât qui fera cette mission à ta place; tu resteras en Languedoc pour y travailler jusqu’à nouvel ordre.

Lettre à Jacques Jeancard, le 26 septembre 1829, EO n 337

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1 réponse à LA MANIÈRE D’EUGÈNE DE PRENDRE UNE DÉCISION : METTRE TOUS LES ARGUMENTS DANS LA BALANCE

  1. Denyse Mostert dit :

    On sait le mécontentement de certains religieux lorsqu’ Eugène de Mazenod et Henri Tempier acceptent de devenir vicaires généraux de Mgr Fortuné de Mazenod.

    Jacques Jancard est du nombre. Il décide de partir pour entrer au séminaire de Fréjus. Il est ordonné le 23 décembre 1823. Cependant « il se repend bientôt d’avoir quitté les Missionnaires de Provence» et fin octobre 1824, on le retrouve à la maison du Calvaire à Marseille. » (*)

    Son parcours n’ira pas toujours sur des roulettes. On sait qu’«il se plie avec difficulté à la simplicité et au genre que le Fondateur désirait… il est sensible à l’excès, toujours prévenu contre plusieurs pères, sans cacher ses répugnances pour divers ministères. » (*) Bref, un caractère assez complexe avec lequel Eugène doit composer.

    Ainsi, à celui qui refuse de travailler avec un autre père, le supérieur répond : «Rien de plus juste, mon cher ami, que de faire des observations, surtout lorsqu’elles s’adressent à un supérieur dont on connaît les sentiments et la manière de faire… j’ai toujours eu soin de les mettre dans la balance, et si elles n’ont pas toujours emporté, elles ont pourtant toujours été pesées.» (*)

    Peser ne signifie pas fermer les yeux comme en fait foi le reproche cinglant du fondateur. Il en revient sur les préventions injustes du novice à l’égard de certains confrères. Elles ne prennent certes « pas leur source dans la vertu » (*) précise-t-il.

    Conclusion étonnante : «… Pour te contenter j’ai changé notre plan de campagne » (*) Quoique énoncée en termes assez secs, voici la décision d’un supérieur qui a en effet tout pesé. Tout en prenant la précaution de ne pas engager l’avenir…

    Surprenant fondateur ! Son caractère prompt et ses lourdes responsabilités m’avaient préparée à une décision inchangée. Voici au contraire un homme qui a pris son temps pour ne prendre en compte que le bien de la Congrégation. Et celui du mécontent à qui il n’hésite pas de dire son fait. Décision difficile qu’Eugène a probablement prise « au pied du crucifix », comme il le recommandait jadis à Henri Tempier.

    Leçon que je peux prendre pour moi. Il m’arrive parfois de parler sans réfléchir vraiment. Même si ce n’est pas bien méchant, je peux blesser quelqu’un et me voir ensuite dans l’obligation d’offrir des excuses. Ce qui est assez désagréable il faut en convenir !

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