Poursuivant sa réflexion sur la mort et sur les liens qui l’empêcheraient d’être tout à Dieu en face de la mort, il réfléchit sur ses relations. Sa conclusion exprime ce qui devait rester important tout au long de sa vie, la nécessité d’amitiés profondes.
Devant l’importance qu’il accordait à l’amitié, il est facile d’apprécier pourquoi sa relation avec Jésus était souvent qualifiée « d’amitié ». Homme de son temps, il reflète aussi cette attitude commune au clergé du 19e siècle quant au rôle des femmes et des dangers qu’elles pouvaient représenter pour les vocations presbytérales !!!
En m’examinant attentivement il me semble que je ne découvre pas en moi de ces sortes d’attaches. Cependant je crois qu’il faut que je surveille mon cœur trop aimant, trop tendre, trop affectueux, trop sensible, non point pour des objets illicites, j’ai même trop d’éloignement pour les personnes du sexe pour faire de grandes réflexions sur mes rapports indispensables, froids et sérieux avec elles; mais ce sont mes amis que j’aime trop, à l’amitié, à la tendresse desquels j’attache, ce me semble, trop de prix.
Notes de retraite, décembre 1814, E.O. XV n. 130
En 1808, Eugène confie à son directeur spirituel l’importance des amitiés qui viennent alimenter « l’électricité de [son] cœur ».
Lors de sa retraite de 1814, alors qu’il médite sur le péché originel, une résolution se fait jour : «Il faut, écrit-il, détacher notre cœur de ce qui peut nous détacher de notre fin, c‘est-à-dire, de tout ce qui est dangereux… »
Dans son désir de ne vivre que pour Dieu, n’est-il pas logique pour Eugène de s’interroger sur ces attachements humains auxquels il attache tant de prix ? « Quelque agréables » qu’ils soient et peut-être même à cause de ce bonheur qu’ils lui procurent, pourraient-ils se révéler susceptibles de le détacher de sa « fin dernière » ?
Une saine réflexion lui montrera combien des amitiés vécues dans une grande droiture peuvent aussi servir ‘’ à la gloire de Dieu ‘’.
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Bien franchement, il m’est impossible de passer sous silence un certain ressentiment au souvenir de la mentalité de ce 19ième siècle qui justifie en quelque sorte l’obligation pour Eugène des de se tenir loin des« personnes du sexe ». Je me souviens d’une époque somme toute pas si lointaine, où les relents d’un jansénisme farouche faisaient de nous les femmes « des occasions prochaines de péché » à éviter et à qui il convenait de n’accorder qu’une participation des plus effacées aux ‘’choses’’ de l’Église.
Aujourd’hui, si les mentalités se sont ‘’tranquillement-pas vite’’ rapprochées de celle de Jésus, un grand changement reste encore à faire dans ce domaine.
C’est dans un grand souci d’honnêteté et avec un brin d’audace que chacun (e) de nous se doit d’y apporter sa contribution, si minime qu’elle nous paraisse.