LES BOULES DE FEU ROULANT EN DANGER DE DÉPRESSION

Recevant des nouvelles de la prédication zélée et du ministère des Oblats durant les célébrations du Jubilée à Aix, Eugène répond:

La nouvelle que vous me donnez du jubilé d’Aix est meurtrière. Il n’est pas possible que nos Frères résistent à une telle fatigue. C’est ce que nous avons fait dans nos premiers temps, au grand détriment de ma santé; je crains que le p. Mye, et le p. Suzanne surtout qui prend tes choses avec vivacité, ne s’en ressentent. Il faut tout faire pour éviter d’abîmer des ouvriers de cette trempe.

Il conclut la lettre en insistant sur le même point:

En écrivant à nos Pères, rappelez-moi à leur souvenir et à leurs prières, en leur recommandant de ne pas tenter Dieu par un travail excessif qui ne serait pas selon l’ordre. Adieu à tous.

Lettre à  Henri Tempier, le 30 Mars 1826, EO VII n 233

Eugène parlait en connaissance de cause à partir de son expérience personnelle. Il s’était permis de se laisser emporter par son zèle missionnaire jusqu’à épuisement de son corps. Il ne voulait pas que ses collaborateurs fassent de même. Durant une période de repos forcé et de récupération dix ans auparavant, il était résolu d’éviter cette expérience.

 Il faut donc qu’il dorme et qu’il mange; et quand il est épuisé, qu’il se repose.
Je me suis mal trouvé de n’avoir pas compris assez tôt cela. Il est encore temps d’y pourvoir, le mal n’est pas sans remède; mais ce serait folie de différer davantage.
Quoi qu’il arrive, je dormirai le temps qu’il faut pour n’être pas abîmé le matin en me levant, comme il m’arrive habituellement. J’ai à me reprocher des excès en ce genre, à dater de la première année de mon séminaire. Je reconnais que je serais coupable de ne pas changer de système, puisque ma santé, qui était inaltérable, en a déjà beaucoup souffert. L’exemple des saints m’a séduit, mais apparemment que le bon D[ieu] ne demande pas la même chose de moi, puisqu’il semble m’en avertir par la diminution de mes forces et le dérangement de ma santé.

Retraite Notes, Juillet-Août 1816, O.W. XV n 139

Si nous pouvions faire feux roulants, c’est-à-dire que nous puissions être deux bandes dont l’une se reposerait et l’autre agirait, nous ferions alors avec le secours de Dieu assez de besogne.

Lettre à  M. Arquier, prêtre de paroisse,  Saint-Rémy, 25 Décembre 1816, O.W. XIII n 4

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1 réponse à LES BOULES DE FEU ROULANT EN DANGER DE DÉPRESSION

  1. Denyse Mostert dit :

    Rome, Lettre à Henri Tempier, le 30 Mars 1826

    Pendant ce temps à Aix, se déroulent les fêtes du Jubilé. Selon leur habitude, les Oblats y donnent toute leur capacité. Le récit du P. Tempier plonge Eugène de Mazenod dans l’inquiétude. « La nouvelle… est meurtrière, écrit-il, Il n’est pas possible que nos Frères résistent à une telle fatigue. » Les PP Mye et Suzanne lui sont un souci particulier. D’où sa recommandation pressante à Henri Tempier : « Il faut tout faire pour éviter d’abîmer des ouvriers de cette trempe ».

    Eugène n’a pas à chercher loin le motif d’une telle crainte. Ses Notes de retraite de 1816 font mention d’une fatigue extrême. « Il faut donc qu’il dorme et qu’il mange; et quand il est épuisé, qu’il se repose » a-t-il noté parlant de lui à la troisième personne tout en regrettant « de n’avoir pas compris assez tôt cela. » En décembre de la même année il écrivait à M. Arquier prêtre de paroisse, Saint-Rémy : « Si nous pouvions faire feux roulants, c’est-à-dire que nous puissions être deux bandes dont l’une se reposerait et l’autre agirait, nous ferions alors avec le secours de Dieu assez de besogne. » Le surplus de travail semblait avoir affecté les missionnaires. Le curé s’était-il plaint du travail d’une équipe restreinte ?

    Ce qui est sûr c’est qu’Eugène a conscience d’une moisson démesurée quant au nombre d’ ouvriers ! Et il réprouve l’héroïsme à tout prix qui épuise la créature. N’est-ce pas oublier que Dieu aime et a besoin de la collaboration de tous les siens et qu’il est juste et bon de ne pas le « tenter par un travail excessif qui ne serait pas selon l’ordre ».

    Et voilà pour les missionnaires dont le zèle aveugle les besoins physiques ! De même que pour « les chevaliers du boulot » plus nombreux que jamais à une époque où le rendement fait loi.

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