Pour Eugène, la Congrégation des Jeunes n’était pas une institution, mais un corps vivant de jeunes gens qui, ensemble, avait une fonction maternelle les uns pour les autres. Ainsi, comme une « mère », les membres de la congrégation s’engageaient :
ART. 3. Par ses exemples et par ses conseils, elle les prémunira contre tous les dangers, elle les fortifiera contre les nombreuses attaques qu’ils auront à essuyer de la part des nombreux ennemis de leur salut, elle les maintiendra dans la crainte et l’amour de Dieu ; elle assurera enfin leur bonheur en cette vie et en l’autre.
Statuts, Chapitre XIV – Devoirs de la Congrégation envers les congréganistes
Ce concept d’un corps de personnes qui forme une présence maternelle est devenue, pour Eugène, une image de l’Eglise, mais aussi de la Congrégation Oblate, qu’il a repris tout au long de sa vie : il les voyait non pas comme des institutions, mais comme des corps vivants, apportant la vie.
« Chaque action de nos vies touche une corde qui vibrera dans l’éternité. » ~Edwin Hubbel Chapin
Au 19ième siècle, la religion comporte un grand courant de dolorisme, de culpabilité et d’expiation dont certains d’entre nous ont connu les reliquats.
Si les Missionnaires de Provence n’y échappent tout à fait, n’est-ce pas parce qu’il y a chez Fondateur un équilibre, un quelque chose qui vient du cœur, une tendresse à vivre, et un bonheur qu’il ne faut pas attendre l’au-delà pour goûter? C’est bien sûr la grande prise de conscience des souffrances du Christ en croix qui a interpellé si vivement le jeune noble de 1807. Mais n’est-ce pas surtout le fait qu’il ne l’a jamais séparée de l’infinie miséricorde d’un Dieu venu pour tous ?
À travers l’énoncé des devoirs des Missionnaires envers les Congréganistes, je découvre une ligne de pensée semblable à celle de tous les parents aimants. La grande préoccupation de mon mari était, selon ses propres paroles, de ’transmettre son expérience’. Le tout ne se faisait pas sans heurts et pourtant je considère qu’il a atteint son but parce qu’il s’est d’abord attaché à pratiquer lui-même les principes solides qu’il enseignait.
Que de situations de toutes sortes Eugène de Mazenod n’avait-il pas à transmettre lui aussi ! Il m’arrive encore de m’étonner de son destin absolument différent de celui qui semblait attendre le fils du Président de la Cour des Comptes et de Marie-Rose Joannis.
La nature toute méridionale d’Eugène n’est un secret pour personne. Doté d’une personnalité très marquée, il mentionne son « caractère absolu, décidé et volontaire ». Plus loin, il s’étonne lui-même de la sensibilité d’un cœur qui « n’a pas changé avec l’âge » Et, chose rare aujourd’hui encore, Eugène « exprime clairement ses sentiments pour les autres et son besoin d’amitié ». (*)
Voici certes un cocktail de caractéristiques qui ne le disposent en aucune façon à établir des règles de vie tristes et compassées pour ceux qui lui sont confiés. Des règlements qui ont probablement fait quelques vagues dans son milieu mais n’ont pu que contribuer à un développement harmonieux chez Missionnaires et Congréganistes..
À travers eux ne perçoit pas le grand vent libérateur et parfois douloureux de l’Esprit qui invite toujours Oblats de Marie Immaculée et Associés à avancer au large ?
(*)L’autoportrait d’Eugène pour son directeur spirituel, en 1808