Leflon raconte :
Le crédit, dont jouissait le Supérieur auprès de ces « modernes Goliaths » et dans les rues avoisinant le port, lui permit d’intervenir efficacement, pour empêcher des représailles sanglantes, lorsqu’on apprit l’assassinat du duc de Berry, car c’était surtout des milieux populaires, au royalisme très exalté et aux passions si violentes, qu’on pouvait craindre les pires excès contre les anciens révolutionnaires et les libéraux bourgeois. Le premier mouvement fut « de venger sur leurs personnes le prince que nous pleurons »… Mgr Jeancard rapportait également :
« Heureusement, les vieux quartiers, qui menaçaient de se lever pour exécuter de telles pensées, étaient en ce moment évangélisés par les Missionnaires de Provence; et la religion, seule capable de retenir les bras prêts à porter les coups, était dans ces quartiers plus puissante que jamais. Aussi, c’est au nom de la religion que M. de Mazenod intervint pour conjurer le danger. Tout en maudissant le crime qui plongeait la France dans le deuil, il fit entendre des paroles de paix et de mansuétude évangéliques du haut de la chaire de Saint-Laurent; puis il tint le même langage dans l’église des Carmes et, après l’exercice du soir, il parla dans les groupes qui se formaient dans les rues. Il fut écouté partout avec une religieuse déférence et parvint à calmer des passions terribles qui, bouillonnant au sein des masses populaires, allaient les faire déborder avec fureur dans la cité. Quelques jours après, les hommes des Carmes et de Saint-Laurent disaient que c’était lui seul qui les avait retenus. »
Dans les paroisses bourgeoises, moins portées aux voies de fait, les Missionnaires de France multiplièrent des exhortations analogues…
L’opinion publique ne manqua pas d’attribuer aux exhortations et à l’influence des Pères le maintien de la tranquillité en ces circonstances critiques.
Leflon 2 p. 124-125
« Ce n’est que par un calme intérieur que l’homme a pu découvrir et donner forme à un environnement calme. » Stephen Gardiner
Marseille 1820. Deux missions se déroulent simultanément à Saint-Laurent et à l’église des Carmes. 13 février. Assassinat du duc de Berry. Il est le neveu de Louis XVIII et le seul à pouvoir donner un héritier à la famille royale.
On a peur « des milieux populaires, au royalisme très exalté et aux passions si violentes… » Craintes vite concrétisée. Un mouvement éclate. Anciens révolutionnaires et libéraux bourgeois vont devoir payer de leurs personnes.
« Heureusement les vieux quartiers, qui menaçaient de se lever pour exécuter de telles pensées, étaient en ce moment évangélisés par les Missionnaires de Provence », raconte Mgr Jacques Jeancard. Et il nous décrit un Eugène de Mazenod intervenant « au nom de la religion pour conjurer le danger ».
Comme d’habitude, le Fondateur y met tout son cœur. Il me semble l’entendre tonner contre « le crime qui [plonge] la France dans le deuil » pour ensuite parler « de paix et de mansuétude évangéliques ».
Et comme d’habitude, l’authenticité de ses paroles fait son œuvre. On l’écoute « avec déférence ». Les « passions terribles … bouillonnant au sein des masses populaires » se calment. Le déferlement de leur fureur n’aura pas lieu.
Point de demi vérités chez Eugène. Aucune zone grise. Tout est clair de ses affirmations aux Marseillais déchaînés. . Nous n’avons pas fini de nous émerveiller devant ce tempérament sans ombre qui sait passer avec tant de vérité du constat outré à l’incontournable miséricorde.