Lors d’une cérémonie appelée l’Amende-honorable, les missionnaires invitaient les gens à réfléchir sur la conversion et la réparation. En présence du Saint-Sacrement, ils faisaient un acte de réparation pour tous les manques de respect et les outrages envers Dieu qui avaient eu lieu pendant les abus de la Révolution française, et pour la profanation de nombreuses églises.
Rapportant l’Amende-honorable qui a eu lieu à la mission d’Aix, Marius Suzanne décrit l’autel richement décoré, sur lequel le Saint-Sacrement était placé, et comment un missionnaire d’une voix forte a crié: « Seigneur, pardonne à ces gens ». Toutes les personnes présentes ont répondu à haute voix, « pardonne-nous, pardonne-nous ». Dans cette atmosphère chargée d’émotion, beaucoup ont été touchés dans leur cœur, et il raconte combien le nombre de personnes attendant pour la confession augmentait à la suite de cette cérémonie. (M. SUZANNE, Quelques lettres sur la mission d’Aix, p. 8-9.)
Cette cérémonie a été mise en évidence pendant le temps de la Restauration, après la Révolution, et Eugène a fait référence à cette action à plusieurs reprises. J’en cite un exemple, qui s’est tenu avec les membres de sa congrégation de jeunes et dans lequel c’est le leader de la jeunesse, connu sous le nom du Préfet, qui a conduit la cérémonie :
il a fait à haute voix, un cierge à la main, amende honorable au très saint Sacrement pour tous les outrages que Notre Seigneur a reçu et reçoit encore de tant d’impies, d’hérétiques et de mauvais catholiques, et notamment pour toutes les fautes que peuvent avoir à se reprocher les congréganistes au nom desquels M. le Préfet a fait cette solennelle réparation conformément à l’article du règlement..
Journal de la Congrégation de la Jeunesse, le 4 Juin 1815, E.O. XVI
« Revenir vers Dieu oublié et bafoué ». Il est certain que l’Amende-honorable en vigueur pendant les missions de Provence ouvre l’esprit à toutes les dimensions du péché.
Tous savent «les manques de respect et les outrages envers Dieu » fomentés par les acteurs de la Révolution, allant même jusqu’à « la profanation de nombreuses églises ». Tous cependant acquiescent à la demande de pardon du célébrant pour ces profanateurs de qui ils ont eu tant à souffrir.
D’autre part, la redécouverte de l’amour de Jésus Christ initie en eux une saine relecture de comportements personnels peut-être considérés comme allant de soi au temps de l’angoisse.
Aucun jugement à apporter sur ces gens pris dans une incroyable tourmente. Le simple souvenir des années de la 2ième guerre mondiale me rappelle combien rendre« œil pour œil, dent pour dent » était devenu le modus vivendi d’une population aux abois.
N’est-il pas logique qu’en regard d’actes tellement inhumains, le combat à soutenir étouffe toute notion de péché chez ceux-là qui ont à survivre ? Et ne voilà-t-il pas un effet indiscutable de la grâce que, de ce pardon demandé pour les bourreaux, les victimes reconnaissent avoir eux-mêmes besoin ?
« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » demandait Jésus… (Luc 6.41). Une question pour chacun de nous et à méditer en tous temps…