Le P. Yenveux, qui a fait la collection de plusieurs lettres du fondateur a commenté celle-ci: « Le R. P. Tempier, n’ayant pas averti à temps le R. P. Supérieur Général de l’époque de la retraite annuelle de la maison d’Aix, et ayant prié le R. P. de Mazenod de venir entendre sa confession de retraite, celui-ci lui fait une paternelle correction de ce que trop souvent il ne l’avertit que quand les choses sont faites, ce qui est contraire à la déférence due aux supérieurs.».
La lettre a quelque chose de beau. Eugène était probablement impatient à cause de sa convalescence et la souffrance de sa famille ; il avait aussi l’habitude de tout gérer dans la congrégation (nous étions alors seulement 30 membres) et il était irrité par l’habitude du P. Tempier qui ne l’informait pas de tout ce qui se passait. Il était le P. Général. Pourtant ses lettres montrent bien la fraternité qui existait entre eux et c’était le plus important.
Je ne puis vous savoir mauvais gré de rien, lors même que vous manquez à un devoir, parce que vous le faites plutôt par distraction ou par une sorte d’habitude d’indépendance que vous a donnée votre position depuis que vous êtes dans la Société; malgré ces réflexions, dis-je, je n’aurais pas hésité à partir aujourd’hui même pour me rendre auprès de vous, si vous ne m’aviez annoncé que votre retraite qui a commencé dimanche ne durerait que quatre jours . J’ai pensé que je n’arriverais qu’après que vous auriez fait votre confession et dès lors je ne vous aurais plus été utile; je n’ai donc pas bougé.
Je me contente d’unir mes faibles prières aux vôtres pour attirer sur vous toutes les bénédictions que je pourrais me souhaiter à moi-même, et ce n’est pas merveille, parce que je ne vous ai jamais considéré que comme un autre moi-même; c’est pourquoi non seulementppp je vous aime tant, mais je vous communique si volontiers toutes mes pensées, toujours plus étonné, néanmoins, qu’indépendamment de notre position relative, vous ayez tant de peine à me faire part des vôtres. Prenez une bonne fois la résolution d’être moins boutonné avec moi. J’apprends les choses quand elles sont faites. Cette manière d’agir est diamétralement opposée à l’idée que l’on doit avoir de la déférence et de la subordination, prise dans sa plus douce acception.
Lettre au P. Tempier, 6 Octobre 1829, EO VII n338
Qui est ce P. Yenveux qui commente ici une lettre du fondateur ? Simple curiosité. Le volume 34 de Vie Oblate, publié en 1875 est consacré à : « Une œuvre inachevée: Le commentaire des Règles par le P. Yenveux ».
Revenons-en à la lettre d’Eugène de Mazenod, le 6 octobre 1829. De quoi s’est donc rendu coupable le fidèle Henri Tempier ? Simplement d’avoir omis de mettre son supérieur au courant que la mission en cours serait plus courte que d’habitude.
Ce dernier ne mâche pas ses mots allant jusqu’à évoquer une distraction du P. Tempier ou, pire encore « une sorte d’habitude d’indépendance que vous a donnée votre position depuis que vous êtes dans la Société ». Les mots sont durs envers le compagnon de la première heure avec qui il a échangé le vœu d’obéissance mutuelle !
Il s’agit ici de comprendre les réactions d’un homme blessé dans ses affections. qui de plus se remet d’une longue période de maladie avec toute l’impatience de reprendre la barre du navire que cela implique. Et puis, Eugène est frustré. « Je n’aurais pas hésité à partir aujourd’hui même pour me rendre auprès de vous, si vous ne m’aviez annoncé que votre retraite qui a commencé dimanche ne durerait que quatre jours. » Occasion manquée de reprendre des activités ‘’sur le terrain’’…
Puis le ton de la lettre change. Eugène unit ses prières à celles du P. Tempier qu’il n’a jamais cessé de considérer comme un alter ego. La suite cependant a tout d’une douche écossaise : «… mais je vous communique si volontiers toutes mes pensées, toujours plus étonné, néanmoins, qu’indépendamment de notre position relative, vous ayez tant de peine à me faire part des vôtres… Prenez une bonne fois la résolution d’être moins boutonné avec moi. » Et d’évoquer la déférence et la subordination, prise dans sa plus douce acception. Gageons qu’Henri Tempier, ayant pris bonne note de cette lettre, veillera désormais à avertit son supérieur avant de prendre des décisions….
Sans être liée par l’un ou l’autre vœu, je reconnais qu’une bonne coordination entre personnes qui travaillent à un projet commun est nécessaire. Par contre il peut se présenter des cas où des décisions sensées et rapides sont bénéfiques. En somme, il s’agit de faire la part des choses.