NOUS POURRIONS MOURIR DE PLAISIR À AIX

Éventuellement, l’exil d’Eugène à St-Laurent arriva à sa fin et il s’immergea dans la vie de la haute société d’Aix.

Nous nous amusons comme des rois. Nous courons après le plaisir, qui court plus vite que nous….

Lettre à son père, le 31 Décembre 1803, Méjanes Librairie, Aix.

Un mois plus tard, le jeune de 22 ans écrit à son père de façon enthousiaste:

Mais si je ne me suis pas amusé à St-Laurent, comment suffire aux plaisirs que me présente la charmante ville d’Aix? En outre de l’Odéon, que nous n’appelons plus Odéon mais Ceréle de Sextius, où nous nous réunissons deux fois la semaine pour chanter et danser, nous avons souvent des comédies. Mais que dis-je comédies, ce sont des opéra. Oui, nous nous sommes élevés jusque là

Lettre à son père, le 27 Janvier 1804, Méjanes Librairie, Aix.

Un an plus tard, à 23 ans d’âge, il continue à esquisser les choix dans sa vie sociale:

Mlle Siméon, qui a épousé un général nommé De Launay et qui commande en ce moment à Aix, s’est logée dans la maison de Castellane où chaque vendredi elle reçoit toute la ville; Mme de Forbin née St-Césaire reçoit tous les jours et particulièrement le samedi toute sa société, qui est composée de toute la ci-devant noblesse. Le dimanche on s’empresse d’aller, après le spectacle, danser au Cercle de Sextius,  qui se tient chez Regusse, oû toute la bonne compagnie des deux Ceti se rassemble. Le lundi Mme d’Arbaud-Jouques reçoit la même société que sa cousine de Forbin (par parenthèse, Mme de Jonques, pour compléter l’inépuisable bonheur de son mari, lui a donné dernièrement un beau garçon). Le mardi, spectacle ou, si l’on veut, chez Mme de Magalon qui reçoit tous les jours une très jolie société. Le mercredi on se garderait bien de manquer le concert, qui commence à 6 heures au cercle de Sextius; le concert fini, les gens de bon sens font une partie, la jeunesse danse à outrance; quand on a faim, on trouve à l’office de quoi manger en payant. Le jeudi, spectacle et les sociétés de tous les jours. Ajoutez aux interminables divertissements la comédie de société jouée par les Galliffet et consorts, tous les samedis, et plus fréquemment encore le carnaval. Faites un résumé de tout cela, et vous verrez qu’on finira à Aix par crever de plaisir. Vous saurez pourtant que, malgré toutes ses ressources, dont peut-être il n’y a pas dans la France une autre ville qui  puisse se vanter d’en tant réunir, il se trouve des jeunes gens qui prétendent que l’on s’ennuie à Aix. Je me fâche quelquefois à ce sujet. Ce n’est pas que je profite de tous ses agréments, car au contraire je suis celui qui les néglige le plus; mais je veux que l’on rende justice à la ville ou que l’on convienne de bonne foi qu’en ne sait ce qu’on désire.

Lettre à son père, le 18 Janvier 1805, Méjanes Librairie, Aix.

Je cite certains de ces messages parce qu’ils éclairent la situation qui va mener Eugène au changement de style de vie après son expérience de conversion, quelques année plus tard.

FRENCH

“Le grand danger pour la vie de famille, au milieu de toute société  dont les idoles sont le plaisir, le confort et l’indépendance, provient du fait que ces gens ferment leurs cœurs et deviennent égoïstes.”   Saint Jean Paul II

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1 réponse à NOUS POURRIONS MOURIR DE PLAISIR À AIX

  1. Denyse Mostert dit :

    Lettre à son père, le 18 Janvier 1805

    De quoi oublier le sombre ennui de Saint-Laurent-du-Verdon. «On s’amuse ferme à Aix-en-Provence. Le « seigneur du manoir », bien décidé à ratrapper le temps perdu, a repris sa place parmi la noblesse aixoise.

    Quel compte-rendu que la lettre à son père ! Enthousiaste, très détaillée, avec ce brin de vantardise qui décrit si bien la « ci-devant noblesse » redevenue la sienne. Dans sa bouche, l’Odéon s’appelle désormais Cercle de Sextius. Probablement du nom de quelque célèbre lettré romain puisque là on danse, on s’amuse ferme et on joue des comédies dont Eugène écrit : « Mais que dis-je comédies, ce sont des opéras. Oui, nous nous sommes élevés jusque là ! » Oui, le jeune homme a retrouvé son milieu. « Faites un résumé de tout cela, et vous verrez qu’on finira à Aix par crever de plaisir », écrit-il un peu cavalièrement à son père.

    La lettre se termine par un bémol étonnant : «Vous saurez pourtant que, malgré toutes ses ressources, dont peut-être il n’y a pas dans la France une autre ville qui puisse se vanter d’en tant réunir, il se trouve des jeunes gens qui prétendent que l’on s’ennuie à Aix. Je me fâche quelquefois à ce sujet. Ce n’est pas que je profite de tous ses agréments, car au contraire je suis celui qui les néglige le plus; mais je veux que l’on rende justice à la ville ou que l’on convienne de bonne foi qu’en ne sait ce qu’on désire. »

    Aucun doute. Quelque chose ne tourne pas rond !. Un quelque chose d’insatisfait difficile à cerner. Comme un vide existentiel qui empêche de jouir des bons jours offerts.. Cela peut s’appeler spleen, burn-out, dépression ou encore d’autres mots du jargon psychologique… Peut-être un peu tout cela pour Eugène. Peut-être aussi une Providence qui prépare, sans brusquerie aucune, son enfant à prendre conscience que le bonheur se trouve ailleurs….

    Comme il peut nous arriver devant des choses heureuses de n’éprouver qu’une satisfaction mitigée. Écoutons-la, cette voix intérieurs à saveur de désabusement ! Elle pourrait bien nous montrer que le seul chemin possible passe par l’amour des autres. Et qu’alors le fait le plus insignifiant peut nous remplir d’une grande joie.

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