J’AI PERDU MA MÈRE!

La duchesse de Cannizzaro était la mère adoptive d’Eugène à Palerme. Elle était généreuse pour les pauvres, et Eugène l’aidait à distribuer l’aumône aux indigents.

Je le prouvai bien à sa mort, où tout le monde put juger que ma douleur fut incomparablement plus sensible et plus profonde que celle de ses fils. La princesse, que j’appelais à si juste titre ma mère, nous fut enlevée subitement: le coup fut cruel et la blessure profonde; je m’en ressentis longtemps; j’en fus même malade. On m’a dit qu’à la vue de son cadavre je me prosternai au pied de son lit en poussant à plusieurs reprises ce cri lamentable: «J’ai perdu ma mère! j’ai perdu ma mère!»

Journal de l’Exil en Italie, EO XVI

C’était pour le jeune Eugène la première rencontre avec la mort de quelqu’un à qui il était émotionnellement attaché. À partir de cette expérience, il aura appris à être compréhensif de cette expérience de la mort et de la peine dans sa vie future. Sa réaction fut intense et nous verrons comment il sera affecté profondément par la mort de ceux qu’il aime dans le futur.

Hubenig et Motte commentent: “C’est peut-être un signe de voir comment la vie spirituelle d’Eugène avait décliné en négligeant de se tourner vers la prière ou vers  une lecture spirituelle pour trouver une consolation dans sa souffrance. À la place, il s’enfouit dans un long essai de méditation en vers non rimés intitulé : « Pensée de nuit sur la vie, la mort et l’immortalité », œuvre d’un obscur poète anglais, Edward Young (1683-1765). L’œuvre abonde dans une macabre imagerie. et de fait, commença brièvement la dite « École du cimetière  »  de la poésie en Angleterre. Eugène décrit l’auteur et son poème comme suit :

Un homme merveilleux et, ce qui est plus important, le plus raffiné et le plus sympathique ami que je peux possiblement avoir en ce moment. Nous partageons les mêmes sentiments… Son écrit est sublime et il est fait pour une lecture de réflexion et de satisfaction.

…Alarmé, le père d’Eugène le réprimande:  “Tu devrais mettre de côté cette lecture qui te plaît tant. En nourrissant ton chagrin, elle sert seulement à empêcher l’effet des médicaments prescrits par les docteurs pour alléger ta peine.”    (Living in the Spirit’s Fire, p. 24)

Le jeune homme avait encore du chemin à faire avant qu’il puisse intégrer la mort  et le chagrin dans une vision spirituelle. Plus tard, son chagrin pourrait être intense, mais il apprendrait à trouver un réconfort dans le Sauveur et non dans une poésie romantique.

FRENCH

“Le chagrin, c’est le prix que nous payons pour l’amour.”   Reine Elizabeth II

Ce contenu a été publié dans JOURNAL, avec comme mot(s)-clé(s) . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

1 réponse à J’AI PERDU MA MÈRE!

  1. Denyse Mostert dit :

    Une fois de plus, la Providence veillait sur le jeune homme de 20 ans. La princesse Larderia, duchesse de Cannizzaro est devenue comme l’ange gardien de son fils adoptif’. « C’est une chrétienne convaincue, soucieuse d’aider les défavorisés. Elle [le] charge d’aller visiter des malades et d’apporter des secours aux pauvres. Tout en vivant dans le luxe, il a donc l’occasion de voir de près la pauvreté. » (**) On présume avec quelle joie, sa bonté naturelle va porter Eugène à seconder Mme de Cannizzaro. Une amitié très vive se développe entre eux. Férue de littérature française, elle va de plus aider le jeune homme à continuer une formation classique interrompue pendant l’exil.

    La princesse Larderia meurt à 42 ans. Inutile d’épiloguer sur la douleur du jeune homme. Sa santé elle-même en sera compromise. La foi du disciple de don Bartolo est bien loin. Il chercher consolation dans le dolorisme d’un Edward Young et de son « École du cimetière ». Rien de tel pour s’exciter à un désespoir sans fin ! On a peine à en croire le jugement qu’il en porte : «Un homme merveilleux et, ce qui est plus important, le plus raffiné et le plus sympathique ami que je peux possiblement avoir en ce moment. Nous partageons les mêmes sentiments… Son écrit est sublime et il est fait pour une lecture de réflexion et de satisfaction. »

    On peut aussi douter du bien-fondé des propos de ce maître à penser alors que M. de Mazenod, alarmé par l’état psychologique de son fils, lui envoie des mots très directs : «Tu devrais mettre de côté cette lecture qui te plaît tant. En nourrissant ton chagrin, elle sert seulement à empêcher l’effet des médicaments prescrits par les docteurs pour alléger ta peine. »

    Eugène a connu le désespoir sans autre béquille, tout au moins dans les débuts, que ce qu’on appellerait aujourd’hui anti dépresseurs. Bientôt le retour en France qui se profile à l’horizon, contribuera probablement à accaparer une bonne part de son attention. Sans toutefois l’effacer complètement. On peut penser que sa douleur en est devenue plus supportable. Bien plus tard, Eugène apprendra à se tourner vers Dieu.

    (**) Hervé Aubin / Le Fondateur des Oblats / p. 8. 18

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *