LE COURAGE N’EST PAS L’ABSENCE DE PEUR, MAIS LE TRIOMPHE SUR ELLE

En poursuivant la narration du Journal d’Eugène durant ses jours d’études à Turin, nous lisons :

Dans l’intervalle de sa première communion à sa confirmation, c’est-à-dire du Jeudi Saint à la Trinité de l’année 1792 , Eugène donna une nouvelle preuve de la délicatesse de ses sentiments et de la fermeté de son caractère. On le remarque à cause de son âge. L’enfant avait apporté en naissant une loupe dans le grand angle de l’œil gauche. Ses parents, craignant que si cette loupe croissait elle ne finît par le défigurer, se décidèrent à la lui faire extirper par un habile opérateur, tel qu’était le docteur Pinchinati, premier chirurgien du roi. On n’eut pas de peine à obtenir le consentement de l’enfant, trop raisonnable pour résister au désir de sa famille. Le jour fut fixé, et madame sa mère devait arriver de Nice la veille pour assister à cette douloureuse opération. Eugène voulut lui épargner la peine de le voir souffrir. Il demanda instamment au R. P. recteur de vouloir bien permettre que l’opération fût devancée, afin que sa mère la trouvât faite en arrivant. Le R. P. recteur fut charmé de cette pensée délicate, et le lui accorda bien volontiers.
Tous les apprêts furent faits dans les appartements du P. recteur, qui désirait assister à l’opération. Le premier chirurgien du roi arrive accompagné de ses élèves; on fait compliment à l’enfant de son courage, qui montrait une résolution dont tout le monde était ravi. C’est là que le bon Dieu l’attendait pour lui donner une petite humiliation qu’il s’était peut-être attirée en comptant trop sur ses forces. Quand on eut déployé sur une table tous les instruments que renfermait l’étui du docteur, quand l’enfant vit lancette, bistouri, ciseaux crochus, pinces, charpie, etc., il crut qu’on allait lui pourfendre la tête, et son courage l’abandonna: il fallut renfermer de nouveau tous ces instruments de supplice, et l’opérateur se retira avec ses élèves.
Eugène rentra tout confus dans sa chambre, et par un mouvement de ferveur, il se jeta à genoux pour invoquer notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il n’avait vraisemblablement pas prié auparavant. Nous lui avons entendu raconter qu’il s’adressa à l’Esprit Saint avec une grande confiance. Cette prière fervente fut agréable au Seigneur, car à l’instant l’enfant se leva avec un nouveau courage, et rentrant dans l’appartement du P. recteur, il lui demanda de rappeler le docteur, résolu qu’il était de subir l’opération, quelque douloureuse qu’elle pût être. Le P. recteur, dans l’admiration de ce changement, fit rappeler M. Pinchinati, qui se mit tout de suite en devoir de commencer l’opération. Elle fut très longue et très douloureuse, effrayante même à cause de la quantité de sang qui sortit de la veine qu’on fut obligée de couper pour extraire la loupe. La loupe ne put être enlevée qu’en saisissant à plusieurs reprises la matière graisseuse qu’elle contenait, et en la coupant chaque fois avec des ciseaux courbes, ce qui rendit l’opération très longue. La force surnaturelle qu’Eugène avait obtenue de l’Esprit Saint par sa prière, ne se montra pas seulement dans la résolution de subir l’opération, mais dans le courage qui le soutint tout le temps: il ne poussa pas un cri et ne fit pas entendre une plainte. Sa mère arriva le soir même, et fut touchée, comme on peut se le figurer, de l’attention de son fils qui avait voulu lui épargner la peine de le voir souffrir.

Journal de l’Exil en Italie, EO XVI p. 30

 

« J’ai appris que le courage n’était pas l’absence de peur, mais le triomphe sur elle. L’homme brave n’est pas celui qui ne craint pas, mais celui qui vainc une telle peur. » Nelson Mandela

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1 réponse à LE COURAGE N’EST PAS L’ABSENCE DE PEUR, MAIS LE TRIOMPHE SUR ELLE

  1. Denyse Mostert dit :

    1791-1794
    La visite au Collège des Nobles à Turin ravive les souvenirs d’Eugène de Mazenod. Il se souvient de la douloureuse expérience de 1792.

    «L’enfant avait apporté en naissant une loupe dans le grand angle de l’œil gauche. » Une opération est jugée nécessaire à laquelle Eugène souscrit facilement. Déjà d’une attention extrême à la souffrance d’autrui, il va même jusqu’à demander qu’elle soit faite avant l’arrivée de sa mère. Permission accordée de grand cœur.

    « C’est là, raconte le Journal de l’Exil en Italie, que le bon Dieu l’attendait pour lui donner une petite humiliation qu’il s’était peut-être attirée en comptant trop sur ses forces. » Qui ne comprendrait le recul du jeune garçon devant « lancette, bistouri, ciseaux crochus, pinces, charpie, etc » disposés sur la table où allait se dérouler l’opération ?

    Beaucoup auraient ressassé longuement une telle humiliation. Rien de tel chez Eugène. Une fervente prière lui rend le courage qui l’avait déserté un moment. L’opération, si douloureuse qu’elle soit, est supportée sans plainte ni cri. Courage étonnant chez un si jeune garçon !

    La prière d’Eugène a été entendue. Il en sera récompensé par l’évidente émotion de Marie-Rose Joannis, très touchée « de l’attention de son fils qui avait voulu lui épargner la peine de le voir souffrir. »

    Eugène a eu peur, Eugène a fait marche arrière…

    Alors qu’il aurait pu se complaire dans l’humiliation de son recul, il s’est tourné vers le Seigneur et la force qui lui manquait lui a été donnée. Ne voilà-t-il pas pour nous une belle leçon d’humanité et ’un exemple de foi ?

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