LES HAUTS ET LES BAS DU VOYAGE

Quelques extraits de la description du long voyage d’Eugène qui montrent à quel point il devenait irritable, par moment, face à la conduite de certaines gens.

L’aubergiste, qui avait engagé sa parole de maître de poste que je partirais, me donna son cabriolet, qui fut conduit par M. le conducteur de la diligence, que j’admis à mes côtés, et nous arrivâmes ainsi à Cannes, où il me fallut chercher avant le jour une autre voiture qui m’amenât à Antibes. C’était hier jour des morts; vous sentez que je ne voulus pas priver ces saintes âmes du suffrage qu’elles attendaient du sacrifice que je devais offrir. À peine arrivé, je montai à la paroisse, où je fus accueilli poliment par M. du Rouvet, curé, qui m’assomma de questions, mais qui eut soin de disparaître pendant que je disais la messe, vraisemblablement parce qu’il était trop matin pour faire du feu chez lui et m’offrir une tasse de café, que j’allai prendre à l’auberge.
4 novembre.
Nous sommes au 4. Point de nouvelles de mon chapeau; je suis à peu près résigné à m’en passer jusqu’à Turin, où j’en achèterai un à l’italienne; mais mon casque! [ed peut-être une calotte qu’il portait pour se garder au chaud]. Où en trouver de pareil? Ce bel héritage de mon aïeul me laisse quelque regret de sa perte.…
J’ai vu ici Son Excellence M. le Gouverneur, qui m’a fort bien reçu, et le premier Président, dont j’ai beaucoup à me louer. Je les avais connus lors de mon autre voyage, ainsi que le général Recanati. Quant à M. le Consul de France, il sent le graillon , il a eu assez peu d’usage pour ne pas m’inviter au repas de nation qu’il a donné hier à l’occasion de la fête du Roi. Sa politesse ne lui aurait pas coûté cher, car j’étais déjà invité chez Mgr l’Évêque, qui méritait à tous égards la préférence.

Lettre à Henri Tempier, 3-4 novembre 1825, EO VI n. 204

 

« Les grands événements me rendent paisible et calme; ce ne sont que les bagatelles qui irritent mes nerfs. » La Reine Victoria

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1 réponse à LES HAUTS ET LES BAS DU VOYAGE

  1. Denyse Mostert dit :

    1825.
    Les voyages, dit-on, forment la jeunesse. Bien qu’âgé de plus de quarante ans, Eugène de Mazenod n’a pas fini d’en apprendre !

    Aucun incident majeur dans le récit du long voyage vers Rome qu’il en fait à Henri Tempier en date du 3-4 novembre 1825. À peine quelques petits irritants auxquels le temps qui s’étire indéfiniment sur la route lui laisse tout loisir de réfléchir.

    Du chapeau perdu, il est moins question que du « casque » qui l’accompagnait… « Ce bel héritage de mon aïeul me laisse quelque regret de sa perte », écrira Eugène à son sujet. Voici bien celui dont on a dit qu’il est homme de persévérance, fidèle à sa vocation et à sa famille…

    Il y a le passage un peu réfrigérant à Antibes. « M. du Rouvet, curé, qui m’assomma de questions, mais qui eut soin de disparaître pendant que je disais la messe, vraisemblablement parce qu’il était trop matin pour faire du feu chez lui et m’offrir une tasse de café, que j’allai prendre à l’auberge. »

    « Quant à M. le Consul de France, [qui] sent le graillon » et n’invite pas Eugène au repas de nation.. » il se peut qu’il lui rappelle une courtisanerie qui l’horripile particulièrement ? Se rappeler la lettre du 26 mai 1825 à Hippolyte Courtès alors que Mgr de Mazenod et son Vicaire général assistent au couronnement de Charles X… (*)

    C’est un fait. Aussi bien planifié qu’il soit, un voyage peut toujours réserver des surprises… et pas toujours des bonnes. Pourtant « the show must go on ». Le moment serait mal choisi alors qu’on est loin de ses habitudes pour monter ces désagréments en épingle au point de les laisser occulter la raison même du déplacement. Quelques réflexions bien senties ne manquent pas de soulager et bientôt les étapes suivantes vont d’elles-mêmes relativiser l’importance de ces « accidents de parcours ».

    Au fond, voici un comportement aussi bien applicable à la vie de tous les jours et à son cortège d’imprévus !

    (*) Eugène de Mazenod nous parle – 13 09 05

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