LA MORT COMME UN TEMPS DE NOUVELLE COMMUNION

Ma matinée a été employée à faire faire la première communion aux demoiselles du couvent français de Saint-Denis; jugez de ma douleur quand il a fallu parler à des jeunes personnes de l’âge de notre pauvre Caroline, et vêtues comme je l’ai vue l’an passé, à peu près à cette même époque, et le jour de sa première communion et même après sa mort. Certes, mes sentiments, et par conséquent mes chagrins, ne sont pas passagers!

Lettre à  Henri Tempier, le 9 Avril 1826, EO VII n 235

Eugène rappelle son ministère douloureux auprès de sa nièce, Caroline de Boisgelin, qui est décédée à 12 ans, il y a moins d’une année.

Voir l’entrée http://www.Eugènedemazenod.net/fra/?p=1878  et suivre où ces évènements sont décrits. Dans son journal, Eugène donne une vue intime de ses sentiments, en rappelant l’événement.

J’avais été prié par madame Baudemont, supérieure des religieuses du couvent de Saint-Denis, d’aller dire la messe dans leur église, pour faire faire la première communion à plusieurs des élèves de son pensionnat. Je me suis rendu à son invitation; mais si j’ai rempli ce ministère avec consolation d’une part, de l’autre mon coeur a été cruellement déchiré en voyant sous mes yeux ces enfants du même âge que notre pauvre Caroline , vêtues précisément comme nous l’avons vue vêtue, lors de cette première communion que cette chère enfant reçut en viatique, couronnée de fleurs, sur son lit de mort. Oh! combien je sens et j’éprouve qu’on peut être résigné à la volonté de Dieu, sans cesser pour cela d’être profondément affligé! Pauvre petit ange! Je m’étais trouvé dans le cabinet attenant à la chambre de ma soeur, quand il vint au monde; je l’avais baptisé, et il m’était réservé de l’administrer à la mort et de lui donner l’extrême-onction! La nature se révolte, mais la grâce la dompte en excitant la foi et l’espérance. Chère enfant! je te vois dans le ciel sur lequel tu comptais avec tant d’assurance et de simplicité. Il est fait, ce beau ciel, pour ceux qui comme toi ont conservé l’innocence: Talium est enim regnum coelorum (Mt 19, 14); ce sont les paroles que j’ai gravées sur la tombe. Maintenant que tu règnes avec le bon Dieu que tu désirais tant de posséder, invoque sa clémence et sa miséricorde sur ceux qui, comme moi, ont mérité par leurs péchés d’en être séparés à jamais, mais qui osent encore espérer, par les mérites de Jésus-Christ et les prières des saints, de parvenir à la bienheureuse patrie pour y aimer et louer éternellement ce même Jésus-Christ, qui vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles.

Journal romain, le 9 Avril 1826, EO XVII

 

Pense à ton enfant, alors, pas comme mort, mais comme vivant; pas comme une fleur qui a fané, mais comme celle qui est transplantée, et, touchée par une main Divine, elle fleurit en couleurs plus éclatantes avec des ombres plus douces que celles …”   Richard Hooker

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1 réponse à LA MORT COMME UN TEMPS DE NOUVELLE COMMUNION

  1. Denyse Mostert dit :

    Rome, lettre à Henri Tempier, le 9 Avril 1826.

    À n’en pas douter, le temps qui passe doit accroître la hâte d’Eugène de Mazenod de se retrouver parmi les siens. Ce qui aurait pu être de longues semaines d’impatience, le Fondateur le transforme en ministère.

    Ce 9 avril, il préside la première communion des élèves du couvent de Saint-Denis. Cérémonie combien touchante qui fait remonter en lui une souffrance encore bien vive. Le souvenir de sa nièce l’envahit. Comment oublier la première communion que Caroline reçoit « en viatique, couronnée de fleurs sur son lit de mort » ? À cette enfant tant aimée, c’est Eugène qui va « donner l’extrême-onction ». On devine la déchirure de ce cœur aimant et combien il doit prendre sur lui pour transformer cette douloureuse célébration en chant d’espérance.

    Une année a passé. Sans effacer la blessure, la foi a pris le dessus. Eugène peut maintenant évoquer sans trouble les mots qu’il a fait graver sur la tombe de sa nièce . «Jésus dit: Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. » (Matthieu 19-14)

    La mort est un sujet qui nous concerne tous. En parler avec un certain détachement est chose courante lorsqu’il s’agit de quelqu’un d’autre. Les belles phrases sur l’au-delà et la vie éternelle peuvent alors couler de source. Qu’en est-il lors du décès d’un proche et de l’évocation de l’inéluctable qui nous rejoindra un jour ou l’autre ? Négation, révolte, désespoir se présentent alors à l’esprit. La pensée prise au piège ne voit plus que l’inutile du tout.

    Jusqu’au jour où, le temps, l’affection des nôtres et la foi en Dieu reprenant le dessus, nous pouvons envisager un terme à une séparation qu’on croyait définitive. L’au-delà que nous avons taxé de vide peut alors devenir communion où tout amour continue à être.

    De bien pauvres mots pour une telle réalité ! C’est ce que j’ai vécu depuis le décès de mon mari il y a six années de cela. Je rends grâce à Dieu, à ma famille et aux Oblats de Marie Immaculée qui m’ont aidée à voir poindre la lumière à travers une obscurité que je pensais sans fin.

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