Pendant ses Exercices Spirituels, se fondant sur les méditations de retraite du p. Nepveau, Eugène rend compte de ce que la première partie de la vie de Jésus lui apprend. Dans sa lecture d’Évangile quotidienne il voulait toujours imiter les « les vertus et les exemples » de Jésus. Cette méditation donne un bon exemple de son approche :
Après avoir formé en général le dessein de suivre et d’imiter le Sauveur, il faut voir en particulier en quoi il veut que je l’imite, et quels sont les moyens qu’il juge les plus propres pour réparer la gloire de son Père, ce qui est le dessein de son incarnation, et celui auquel j’ai dû m’être engagé dans la méditation précédente. C’est ce que nous allons voir dans les exemples de sa vie cachée. Or, quoiqu’il n’y ait point de mystère dans la vie du Sauveur qui ne nous puisse fournir des exemples de toutes les vertus, il semble néanmoins qu’il y a dans chaque mystère une vertu particulière qui y éclate.
L’humilité paraît particulièrement dans l’incarnation,
la pauvreté dans sa naissance,
la mortification dans la circoncision,
l’abandon à la volonté de son Père dans la fuite en Egypte,
l’obéissance dans la dépendance qu’il eût de Marie et de Joseph pendant les 30 années de sa vie cachée.
Ce sont ces cinq vertus opposées aux cinq principaux obstacles qui empêchent le rétablissement de la gloire de Dieu et de son Règne dans le cœur de l’homme, c’est-à-dire,
à l’orgueil ou au désir excessif de la gloire,
à l’avarice ou au désir insatiable des richesses, à la sensualité ou
à l’amour déréglé des plaisirs,
à l’ambition ou au trop d’empressement pour l’élévation et pour la grandeur, enfin
à l’esprit d’indépendance qui fait qu’on veut toujours suivre sa propre volonté;
ce sont, dis-je, les cinq vertus directement opposées à ces cinq vices qui feront l’objet des méditations suivantes.
Notes de retraite, décembre 1811, E.O. XIV n. 95
Si Eugène prend vraiment conscience d’être celui-là à qui il a été ‘’beaucoup donné’, il est aussi celui qui se sent infiniment redevable des bienfaits reçus.
Une chose paraît certaine au départ. La manière de « suivre et imiter le Sauveur » n’est pas une évidence instantanée, Eugène va devoir la découvrir. Ce que nous connaissons de lui nous permet de penser qu’il ne va pas s’engager à la légère mais qu’au contraire il va prendre tous les moyens qui lui permettront de vivre pleinement cette vie nouvelle à la suite de Jésus dans laquelle il s’engage.
Les réponses, il va les rechercher dans la contemplation de l’Évangile. « Après avoir formé en général le dessein de suivre et d’imiter le Sauveur, il faut voir en particulier en quoi il veut que je l’imite, et quels sont les moyens qu’il juge les plus propres. »
À cette époque où une ‘’foi aveugle’’ est encore chose courante, ne faut-il pas admirer chez notre Fondateur cette intuition de l’amour d’un Dieu qui nous appelle « en particulier » et nous invite à le suivre sans avoir à nous renier nous-mêmes, dans le plus grand respect de la singularité de chacun de ses enfants ?