Nous poursuivons notre exploration de la façon dont Eugène voulait former sa Congrégation de la Jeunesse en une famille qui exprimait cette sorte de relations de façon pratique. Nous lisons dans la Règle de Vie :
ART. 6. Quand la Congrégation devra faire quelque réparation ou quelque emplette que ce soit, elle donnera toujours la préférence à ceux de ses membres qui sont à même, par leur profession, de lui fournir ces objets du de lui offrir leurs services.
ART. 7. Elle recommande à tous ses membres d’en faire autant pour leurs affaires particulières, son plus grand désir étant de les voir tous prospérer chacun dans l’état qu’il a embrassé.
ART. 8. Elle se fait un devoir d’aider de son crédit ceux des siens à qui elle peut être utile pour réussir dans leurs justes entreprises.
Statuts, Chapitre XIV – Devoirs de la Congrégation envers les congréganistes
Les membres de la Congrégation de la Jeunesse ne sont pas des numéros. Les points forts de chacun y sont encouragés et peuvent ainsi contribuer au mieux à la vie du groupe. Les Statuts vont même plus loin. Quelqu’un dispose-t-il d’aptitudes spéciales, fut-ce pour « ses affaires particulières », la Congrégation « se fait un devoir d’aider de son crédit ceux des siens à qui elle peut être utile pour réussir dans leurs justes entreprises ».
En 1959, un film m’a marquée au point de le visionner plusieurs fois et de lire et relire le roman de Kathryn C. Hulme dont il était l’adaptation. Le titre : « Au risque de se perdre ». L’histoire : celle d’une brillante étudiante en chirurgie attirée par la vie religieuse. Noviciat difficile car la jeune fille se plie mal à la règle d’obéissance absolue dont elle ne perçoit guère le sens. « Elle résiste aux efforts de persuasion de la mère supérieure qui, au nom de la valeur d’humilité, lui demande d’échouer à l’examen final de l’École de Médecine Tropicale» (*) et le réussit brillamment. Après plusieurs obédiences, et bien des combats intérieurs, la jeune religieuse décidera de retourner dans le monde.
Situation peut-être exagérée pour les besoins du scénario. Mais tout de même indice des règles qui ont régi bien des établissements religieux pendant tant d’années.
Pour en revenir aux Congréganistes, nous savons que le plupart sont destinés à devenir apôtres dans leur propre milieu. Ceci ne m’empêche pas de m’émerveiller sur l’attention apportée par Eugène de Mazenod pour découvrir leurs forces et « les voir prospérer chacun dans l’état qu’il a embrassé ».
De fausse humilité point. Mais découverte des dons reçus à mettre joyeusement au service de Dieu et des autres. Cela dans un esprit d’action de grâce qui ne se confond aucunement avec ce péché « capital » appelé orgueil.
J’aime mettre en parallèle deux formules. « Je ne suis que cendre et poussière… » disait l’acte d’humilité que plusieurs d’entre nous ont connu et « béni sois-tu, mon créateur, pour la merveille que je suis ! » , dit le psaume 139. Laquelle allons-nous privilégier ?
(*) http://fr.wikipedia.org/wiki/Au_risque_de_se_perdre